Le coût de renonciation
Chaque choix que nous faisons implique aussi de renoncer à une autre option. Si j’achète un immeuble, je n’aurais pas le temps et l’argent pour en acheter un autre, ou encore pour investir en technologie.
Lorsqu’une entreprise se retrouve devant différents choix, elle doit évaluer les coûts de chacune des possibilités si elle veut faire un choix stratégique. Le coût de renonciation est donc la différence des coûts liés à deux options.
«Prendre le temps d’évaluer le coût de renonciation est important pour faire un choix basé sur des chiffres plutôt que seulement sur l’instinct ou l’enthousiasme», affirme Simon Brassard, directeur, Comptes majeurs, BDC.
Comment calculer le coût de renonciation?
Formule du coût de renonciation
Coûts liés à une possibilité - Coûts liés à l’autre possibilité = Coût de renonciation
Exemple de calcul du coût de renonciation
Prenons l’exemple d’une entreprise qui fabrique des tuyaux en métal.
«Actuellement, un employé d’usine rapporte 100 $ de profit au bout d’une journée de travail, illustre Simon Brassard. Pour lancer un nouveau projet afin d’améliorer la fabrication, l’entreprise a besoin de prendre deux de ses employés pour les former et cela fera en sorte qu’ils rapporteront chacun seulement 75 $ par jour pendant trois mois, soit 12 semaines de travail. En revanche, après trois mois, l’entreprise évalue qu’ils rapporteront 150 $ de profit par jour à l’entreprise.»
Dans cette situation, le coût de renonciation serait calculé ainsi:
Faire travailler deux employés pendant 60 jours de travail:
60 jours X 100 $ = 6 000 $
Faire former les deux employés:
60 jours X 75 $ = 4 500 $
Coût de renonciation: 6 000 - 4 500 = 1 500 $
Le coût de renonciation est donc de 1 500 $ pour réaliser le projet d’amélioration d’usine si on le compare au maintien du statu quo.
Comment le coût de renonciation affecte-t-il la prise de décisions d’affaires?
Pour prendre une décision éclairée, l’entreprise doit ensuite évaluer quel sera le temps nécessaire pour absorber le coût de renonciation et commencer à faire des profits grâce à son choix.
Continuons avec l’exemple de la fabrication de tuyaux en métal. L’entreprise évalue que les deux employés rapporteront 50 $ de profit de plus par jour une fois leur formation terminée.
Le calcul suivant vous permettra de savoir en combien de jours l’entreprise rentrera dans son argent:
1 500 $ de coût de renonciation / 50 $ de profit de plus par jour = 30 jours
Donc après 30 jours seulement, l’entreprise aura récupéré son investissement et fera ensuite toujours 50 $ de profit supplémentaire par jour avec chacun de ces deux employés par rapport à la période précédant la formation.
«Bien sûr, tous ces calculs sont basés sur des évaluations, indique Simon Brassard. Il peut toujours arriver que des choses changent en cours de route et viennent fausser les estimations. Il est donc possible qu’au milieu du projet, l’entreprise doive l’abandonner.
Il faut donc toujours garder cela en tête et le calcul du coût de renonciation aide à prendre une décision éclairée. Mais généralement, l’entreprise connaît bien son secteur d’activité et son marché, alors ses estimations devraient être assez justes.»
L’exemple des tuyaux est très concret, mais il arrive aussi que le coût de renonciation soit plus difficile à chiffrer. Par exemple, si on envisage de faire l’acquisition d’une entreprise.
«Si on demande à son contrôleur financier d’évaluer cette possibilité, il y mettra beaucoup de temps et d’efforts et pendant cette période, il ne se concentrera pas sur ses tâches habituelles, indique le banquier. Comme contrôler les coûts. Est-ce que cela finira par coûter cher à l’entreprise? C’est un pensez-y-bien.»
Il précise que dans une PME où les ressources sont limitées, il pourrait être intéressant de regarder s’il vaudrait la peine de confier cette tâche à une firme externe. «Mais là encore, cela engendre des coûts, précise-t-il. Est-ce que ce projet est suffisamment important pour la croissance de l’entreprise pour donner le mandat d’analyse à l’externe? C’est un coût de renonciation plus complexe à estimer.»
Même si le coût de renonciation n’est pas toujours évalué avec exactitude, toute entreprise gagne à se prêter au jeu avant de prendre une décision d’affaires.
Le coût de renonciation et la gestion des stocks
Il est aussi possible d’évaluer le coût de renonciation en matière de gestion des stocks. Parce qu’un excès de stocks entraîne de nombreux coûts souvent cachés, notamment pour l’entreposage.
Prenons pour exemple une entreprise qui vend des biens qui coûtent 8 millions de dollars par année. Cette entreprise pourrait détenir des stocks d’une valeur de 2 millions de dollars en tout temps, ce qui signifie qu’elle a quatre rotations de stocks par année.
En réduisant ses niveaux de stocks de 20 % et en ajoutant un cycle de rotation des stocks par année, l’entreprise peut libérer 400 000 $ de son fonds de roulement. Cet argent peut ensuite être investi ailleurs, par exemple dans une capacité de production supplémentaire, ce qui se traduit par des gains importants sur les coûts des occasions.
En revanche, avoir moins de stocks pourrait faire en sorte que l’entreprise doive refuser deux grosses commandes de 100 000 $ par année, dont la marge brute – est de 35 %. Ces deux commandes d’une valeur totale de 200 000 $ coûteraient donc 70 000 $ en bénéfice net à l’entreprise, donc ultimement, en fonds de roulement.
Coût lié à une possibilité: maintenir les stocks au même niveau
400 000 $
Coût lié à l’autre possibilité: réduire les stocks de 400 000 $ et soustraire le bénéfice net perdu en raison de l’abandon de deux commandes
400 000 - 70 000 $ = 330 000 $
Coût de renonciation = 400 000 - 330 000 $ = 70 000 $
Le coût de réalisation du projet est donc de 70 000 $ par rapport au fait de garder le statu quo en ce qui concerne les stocks.
Pour que la réduction des stocks de l’entreprise soit rentable, il faudrait s’assurer que les projets réalisés avec les 400 000 $ en liquidités épargnées sur les stocks puissent générer des bénéfices nets d’au moins 70 000 $.