Comment évaluer l’entreprise à acquérir
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Le marchandage est souvent l’un des principaux obstacles à la négociation dans le contexte d’une éventuelle acquisition. La tâche est d’autant plus difficile du fait de la complexité de l’évaluation d’une entreprise. En effet, il est impossible de déterminer une juste valeur sans étudier soigneusement les renseignements financiers de l’entreprise, les tendances de ses ventes, sa clientèle ainsi que de fournisseurs et fournisseuses, en plus de bien d'autres paramètres.
C’est pourquoi il est généralement judicieux d’obtenir une évaluation indépendante et professionnelle. Ce rapport peut mettre au jour des problèmes financiers cachés et constituer une bonne base pour la négociation.
«L’évaluation est un exercice qualitatif, qui ne repose pas sur une simple formule», explique Dennis Leung, évaluateur d’entreprises agréé auprès du cabinet d’expertise comptable et d'expertise-conseil Grant Thornton et président du comité de communication de l’Institut canadien des experts en évaluation d’entreprises.
Voici les trois étapes que suit Dennis Leung pour déterminer la valeur d’une entreprise.
1. Déterminer le niveau d’évaluation
La première étape consiste à déterminer le niveau de complexité et d’assurance que le rapport d’évaluation doit fournir. Celui-ci peut être rédigé selon trois niveaux différents, allant d’un rapport de base à un rapport très détaillé.
Plus le rapport est détaillé, plus il coûte cher et plus on a d’assurance que l’évaluation reflète avec exactitude la valeur réelle de l’entreprise.
Rapport de calcul
Il s’agit du niveau d’évaluation le plus simple. Ce rapport d’ordre général fournit des détails limités – par exemple, une ventilation minimale des données sur les ventes. Un tel rapport peut convenir aux fins d’une évaluation préliminaire.
Rapport d’estimation
Un rapport d’estimation fournit un niveau de détail moyen et donne un niveau de garantie plus élevé qu’un rapport de calcul. Il consiste généralement à examiner et à corroborer dans une certaine mesure des renseignements sur l’entreprise, et il peut contenir des ventilations des ventes par gamme de services ou par division. Il est souvent utilisé dans le cas d’acquisitions.
Rapport exhaustif
Un rapport exhaustif offre le plus haut niveau de détail et de garantie. Il consiste à examiner et à corroborer de manière approfondie les renseignements sur l’entreprise, et il peut contenir des études de marché, des recherches économiques ainsi que des ventilations détaillées des chiffres. Il est couramment utilisé pour les acquisitions plus complexes et les situations impliquant un litige ou un contrôle réglementaire.
2. Obtenir des renseignements sur l’entreprise
Une fois qu’une lettre de mission a été signée avec l’entreprise visée, l’évaluateur ou l’évaluatrice peut accéder aux documents financiers et aux autres renseignements nécessaires pour préparer son rapport d’évaluation. La quantité de données dépend du type de rapport à préparer. Les renseignements comprennent généralement ce qui suit:
- les états financiers des trois à cinq dernières années
- la déclaration d’impôt de l’année précédente
- une liste des dépenses discrétionnaires et non récurrentes ou ponctuelles
- la rémunération de la direction
- l’emplacement de l’entreprise, la superficie en pieds carrés de ses installations et son statut de propriétaire ou de locataire
- le nombre d’effectifs
- les brevets, les statuts et les conventions d'actionnaires
Dans certains cas, en particulier pour un rapport plus détaillé, une évaluatrice ou un évaluateur peut également demander les renseignements suivants:
- une ventilation des ventes par client ou cliente sur les trois à cinq dernières années (afin de déterminer la concentration de la clientèle, qui peut avoir une incidence sur la valeur)
- des données sur la concentration des fournisseurs et fournisseuses
- les marges sur les produits par gamme de services
L’évaluateur peut également:
- demander des précisions à l’entreprise et effectuer une visite sur place
- obtenir des recherches indépendantes sur les conditions du marché, les tendances commerciales et les facteurs de risque
«C’est une approche collaborative, explique Dennis Leung. Nous disons toujours à l’entrepreneur ou l’entrepreneure que nous devons comprendre l’entreprise. C’est lui ou elle qui possède les connaissances qui rendent l’évaluation possible.»
3. Appliquer une méthode d’évaluation appropriée
Trois grandes méthodes permettent de déterminer la valeur d’une entreprise. Un évaluateur ou une évaluatrice choisit la méthode ou la combinaison de méthodes la mieux adaptée au type d’entreprise et aux renseignements dont il ou elle dispose.
Il convient de garder à l’esprit que l’évaluateur ou l’évaluatrice détermine la juste valeur marchande d’une entreprise pour une partie indépendante. Cela signifie qu’il ou elle estime la valeur de l’entreprise sans tenir compte ni des synergies attendues par l’acheteur ou l’acheteuse ni des considérations stratégiques de ce dernier ou cette dernière.
Le prix d’achat de l’entreprise peut différer de la juste valeur marchande déterminée lors de l’évaluation en fonction de divers facteurs, tels que les intérêts stratégiques de l’acheteur ou l’acheteuse ou les synergies qu’il ou elle attend, l’empressement du propriétaire à vendre, la diligence raisonnable, le financement disponible et la capacité de l’entreprise à effectuer un transfert de propriété en douceur.
Méthodes fondées sur les bénéfices
Ces approches sont couramment utilisées pour les entreprises qui génèrent des profits raisonnables et dont la valeur est supérieure à celle de leur seul actif net.
Un évaluateur ou une évaluatrice détermine la valeur de l’entreprise en examinant les résultats passés et les flux de trésorerie ou les bénéfices prévus. Il peut également évaluer le caractère raisonnable des projections de l’entreprise.
«L’évaluation est généralement prospective, indique Dennis Leung. Un acheteur ou une acheteuse n’achète pas ce que l’entreprise a gagné dans le passé, mais ce qu’elle gagnera à l’avenir. Les résultats historiques donnent des indications, mais ils ne sont pas nécessairement indicatifs des résultats futurs.»
Il y a diverses approches fondées sur les bénéfices.
- Actualisation des bénéfices: Méthode utilisée lorsqu’on s’attend à des flux de trésorerie stables dans les années à venir.
- Actualisation des flux de trésorerie: Méthode utilisée lorsqu’on s’attend à ce que les flux de trésorerie fluctuent considérablement dans les années à venir, par exemple lorsqu’une entreprise connaît une croissance rapide.
Méthodes fondées sur le marché
Ces approches consistent à appliquer aux calculs un multiple d’évaluation, qui peut être basé sur le BAIIA (bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements), les recettes ou d’autres paramètres. Le chiffre précis utilisé et le type de ratio varient grandement en fonction de nombreux facteurs, notamment:
- le secteur d’activité et l’emplacement
- les conditions du marché
- les tendances des ventes
- les multiples utilisés par des entreprises comparables
- la taille et la maturité de l’entreprise
- la stabilité des bénéfices et des flux de trésorerie passés et prévus
- la diversification de la clientèle et des fournisseurs et fournisseuses
- le fonds commercial et la propriété intellectuelle
- la dépendance à l’égard des propriétaires et du personnel clé
- la mobilisation du personnel
Méthodes fondées sur l’actif
Les approches fondées sur l’actif sont généralement utilisées pour les entreprises dont la valeur repose sur l’actif plutôt que sur les activités, par exemple dans le secteur immobilier. Elles sont également appliquées lorsque l’entreprise ne génère pas un rendement suffisant ou lorsqu’elle doit faire l’objet d’une liquidation. Dans certains cas, l’évaluateur ou l’évaluatrice peut devoir recourir à une évaluation immobilière ou à une évaluation d’équipement pour obtenir des renseignements supplémentaires.
Voici deux approches courantes fondées sur l’actif.
- Actif net réévalué: Le passif est soustrait de la juste valeur marchande de l’actif de l’entreprise.
- Valeur de liquidation: Le passif est soustrait du montant pour lequel l’actif de l’entreprise pourrait être vendu lors d’une vente de liquidation, moins les frais de liquidation.