Pénurie de main-d'oeuvre et technologie: l'expérience de 4 entreprises

Ces quatre entreprises faisaient face à des défis en matière de main-d’œuvre, et à d’autres obstacles à la rentabilité. La technologie leur a permis d’en faire plus sans avoir à embaucher davantage.

La pénurie de main-d’œuvre a été difficile pour les propriétaires d’entreprise au Canada. En bref, le nombre d’emplois a augmenté plus rapidement que le nombre de personnes en âge de travailler et ayant les compétences nécessaires pour les occuper. Cela s’est traduit par une diminution du nombre de candidatures aux postes à pourvoir ainsi que par des difficultés à trouver du personnel possédant les compétences recherchées.

En 2018, 42 % des propriétaires d’entreprise à qui nous avons parlé avaient de la difficulté à embaucher et à retenir le personnel. Ce chiffre était passé à 61 % des entreprises en 2023. Et la démographie est telle que nous ne prévoyons pas de relâchement de la pression avant la fin de la décennie.

Au cœur de cette crise se trouve une occasion extraordinaire pour les entreprises de révolutionner la façon dont elles traitent leur personnel afin d’en sortir plus fortes que jamais.

Notre recherche révèle que les entreprises qui investissent dans la technologie pour permettre à leur personnel de consacrer moins de temps à des tâches de faible valeur sont plus performantes que les autres.

Vous trouverez ci-dessous des études de cas de quatre entreprises qui ont tiré parti de la technologie et de l’automatisation pour croître malgré les difficultés d’embauche et de fidélisation.

Automatiser le tri pour passer à la vitesse supérieure

Samuel Joncas, PDG de Transport RDL

Le transport de marchandises implique une logistique complexe. Transport RDL, une entreprise spécialisée dans le transport à température contrôlée, en sait quelque chose.

Seulement pour trier les colis qu’elle livre pour ses clientes et clients, l’entreprise devait auparavant exploiter deux entrepôts. L’an dernier, toutefois, après avoir investi 3 millions de dollars, elle a inauguré un nouveau centre de tri qui vient remplacer les deux anciens entrepôts.

Nous avons besoin de 12 personnes pour faire le tri. Si le travail était encore fait manuellement, nous aurions besoin de près de quatre fois plus de personnel.

Plus grande capacité, moins d’embauche

Le nouvel équipement permet à Transport RDL de trier ses colis avec moins d’employées et d’employés. Mais il lui permet aussi de multiplier sa capacité de tri, sans avoir besoin d’agrandir son équipe.

«Nous trions actuellement 1000 colis par heure, mais notre nouvelle machine a une capacité de 4500 colis. C’est un volume que l’on pourra traiter sans embaucher davantage que nos douze employées et employés actuels» illustre Samuel Joncas, PDG de Transport RDL.

Sur le plan de la rentabilité du projet, le PDG estime que celle-ci dépendra de ses ambitions de croissance en dix ans, dit-il. «Si nos volumes restent stables, on parle plutôt de 20 ans.»

Conductrices et conducteurs plus productifs

Le projet d’automatisation a par ailleurs eu des avantages sur le plan du transport des colis.

«Avant, nous étions à saturation dans nos deux entrepôts de tri», dit le PDG. Impossible pour l’entreprise d’augmenter ses volumes sans compromettre sérieusement ses opérations.

Mais l’automatisation a propulsé l’efficacité de l’entreprise, de sorte que tous les colis peuvent maintenant être triés dans un seul entrepôt. Et cela s’accompagne au moins d’un autre avantage en ce qui a trait à la main-d’œuvre.

«Tout trier dans un seul entrepôt signifie moins de transport à faire entre nos terminaux», explique le PDG. Et cela se traduit par un besoin moindre en conductrices et conducteurs, ou la possibilité d’en réaffecter à d’autres livraisons.

Sortir des sentiers battus pour élargir le bassin de main-d’œuvre

Irfan Rajabali, Président, E.B. Box

Trouver une main-d’œuvre qualifiée constitue peut-être le plus grand défi dans l’industrie des boîtes en carton.

«Il est extrêmement difficile de trouver du personnel qualifié pour faire fonctionner les machines dans les usines», mentionne Irfan Rajabali, président d’E.B. Box à Richmond Hill, en Ontario.

Premièrement, le travail ne s’apprend ni dans les écoles ni par des programmes techniques. «Les écoles de formation ont disparu», dit-il.

Deuxièmement, les grosses entreprises du secteur ont cessé de former la main-d’œuvre. Elles offraient auparavant des stages d’apprentissage informels aux nouvelles recrues dans le secteur, mais cette époque est révolue depuis longtemps.

Enfin, les travailleuses et travailleurs qualifiés et plus âgés prennent rapidement leur retraite. «La plupart des opératrices et opérateurs qualifiés qui restent ont maintenant plus de 55 ans, et la relève n’arrive pas assez rapidement», ajoute le président.

Face à un marché de l’emploi serré, E.B. Box a décidé d’investir dans la technologie pour élargir son bassin potentiel de main-d’œuvre.

Utilisation du capital pour aider la main-d’œuvre

E.B. Box a investi pour qu’il soit plus facile de faire fonctionner son équipement. L’entreprise a acquis 12 machines pour remplacer ou compléter son ancien équipement d’usine, notamment une presse à imprimer, une découpeuse à matrice et une coupeuse en feuilles.

«En réduisant le niveau de compétences requis, nous avons élargi notre bassin potentiel de talents, ce qui nous a permis de faire croître l’entreprise plus facilement», explique Irfan Rajabali. Il compare l’équipement d’usine plus récent aux transmissions automatiques et aux fonctions d’aide au stationnement dans

les voitures: une plus grande convivialité accroît l'accessibilité de la technologie pour un plus grand nombre de personnes.

En plus de faciliter la recherche de personnel pour faire fonctionner ses machines, l’investissement d’E.B. Box a également permis d’accroître la satisfaction des membres du personnel.

«Détenir du nouvel équipement nous aide à attirer et à retenir les talents. Après avoir travaillé sur des machines à la fine pointe de la technologie, personne ne veut revenir en arrière.»

La production par personne a également augmenté, tandis que la productivité a progressé de 25 % à 50 % selon la chaîne de production.

Nos machines plus récentes et plus faciles à utiliser nous ont permis de doubler notre capacité de production sans avoir à augmenter nos effectifs de façon proportionnelle

Bien que le projet dans son ensemble ait coûté 10 millions de dollars, le président d’E.B. Box reconnaît qu’on peut faire beaucoup de choses avec un moins gros budget.

«Les améliorations technologiques peuvent être apportées au fil du temps. Il n’est pas nécessaire d’investir dans du tout nouveau matériel. Voyez cela comme un processus itératif. Repérez les lacunes, les goulots d’étranglement et les irritants, et investissez votre argent là où il produira les meilleurs résultats.»

Utilisation de logiciels intelligents pour accroître la capacité

Sam Hale, Copropriétaire de Nutrimeals

Nutrimeals prépare et livre un certain nombre de repas différents à des milliers de personnes.

Pour accomplir ce travail de préparation d’aliments, l’entreprise doit créer une liste précise d’ingrédients et d’étapes pour chaque repas, appelée feuille de production, chaque jour – ce qui n’est pas simple.

Pour accélérer le processus, Nutrimeals a mis au point un logiciel qui effectue automatiquement ce travail.

«Nous procédions auparavant avec des feuilles de calcul Excel et un certain nombre d’autres logiciels, explique Sam Hale, copropriétaire de Nutrimeals. Maintenant, nos commandes sont reçues par notre propre système interne. Notre application analyse les données pour créer automatiquement les feuilles de production.»

Par conséquent, une tâche qui nécessitait 40 heures ne prend maintenant que cinq minutes.

«En un seul clic, nous pouvons maintenant réaliser une tâche qui nécessitait auparavant beaucoup de travail manuel», ajoute Sam Hale.

Créer une expertise numérique

Un diététiste numérique. Il s’agit de la deuxième solution ingénieuse mise au point par Nutrimeals pour en faire plus sans devoir recourir à de nouvelles embauches.

«Au lieu d’offrir une consultation avec une ou un diététiste et de lui demander de créer un plan de repas pour la personne, nous avons élaboré un certain nombre d’algorithmes qui le font automatiquement», mentionne Sam Hale.

Afin d’assurer une expérience optimale pour l’utilisatrice ou l’utilisateur, l’application exploite l’intelligence artificielle: un certain nombre de modèles sont utilisés pour créer les meilleures recommandations possibles.

«Par exemple, le système apprend des préférences des clientes et clients, précise-t-il. Si une personne change de repas parce qu’elle n’aime pas un certain ingrédient, le système en tirera des leçons et formulera de meilleures recommandations à l’avenir.»

Cette application constitue une occasion en or pour nous et pour la société. Une ou un diététiste peut généralement gérer huit consultations en une seule journée. Notre système accélérera le processus de consultation afin que nous puissions examiner plus de 100 demandes de consultation et plans de repas en une journée.

Quelles ont été les premières étapes du développement de cet algorithme? Sam Hale explique que Nutrimeals a d’abord dû travailler avec une diététiste pour obtenir un aperçu du processus qui sous-tend la création d’un plan de repas. «Avant d’automatiser le processus, nous devions le comprendre.» L’entreprise a ensuite réalisé une enquête pour créer un ensemble de données afin de former les modèles d’apprentissage machine.

«Financer un projet comme celui-ci coûte cher», reconnaît le copropriétaire. «Nous portons donc une attention toute particulière à l’argent.»

Faciliter le travail administratif grâce à l’automatisation

Esteban Cuevas, Directeur général et chef principal, Original’s Mexicano Restaurant Group

Il n’est pas facile d’exploiter un restaurant, mais Original’s Mexicano Restaurant Group en exploite cinq en Colombie-Britannique.

Esteban Cuevas, directeur général et chef principal du groupe, indique que «les marges bénéficiaires sont très faibles dans le milieu de la restauration, ce qui explique que beaucoup de restaurants soient déficitaires». Il mentionne que rares sont les propriétaires de restaurants qui sont encore en activité au bout de quelques années et, d’après les statistiques, il a raison. Environ 60 % des restaurants indépendants font faillite au cours des trois premières années d’existence.

«Les chiffres ne mentent pas, explique Esteban Cuevas. Pour cette raison, nous considérons l’automatisation comme un outil important pour le travail administratif.»

Réduction des besoins en personnel

Le groupe a commencé à utiliser un logiciel spécialisé qui relie l’achat, les recettes, les stocks et les ventes à la comptabilité.

Selon Esteban Cuevas, ce logiciel a changé la donne.

Auparavant, nous avions besoin d’aides-comptables, ce qui nous coûtait 3 000 $ par mois. Maintenant, nous n’utilisons que le logiciel, ce qui nous coûte 600 $ par mois.

Non seulement le système a réduit les besoins en personnel de l’entreprise, mais il a aussi amélioré la qualité du travail, ce qui a mené à des économies de coûts encore plus importantes.

Esteban Cuevas explique que l’un des problèmes qu’il cherchait à régler était les nombreuses erreurs commises lors de l’enregistrement des transactions.

Les fruits et légumes, par exemple, ne sont pas assujettis à la TPS, alors que les contenants pour la vente à emporter le sont. «Notre nouveau système ventile les factures par article, de sorte que si nous avons des fruits et légumes ainsi que des contenants sur la même facture, chaque article sera enregistré correctement», dit-il.

Par conséquent, depuis le changement, l’entreprise récupère maintenant 10 000 $ en TPS.

Satisfaction accrue du personnel

Il a été difficile pour le personnel d’apprendre à se servir du nouveau système, qui est utilisé pour plusieurs autres tâches, comme la préparation de recettes.

«Il y a eu une courbe d’apprentissage, admet Esteban Cuevas. Il a fallu six mois de formation. Mais maintenant, personne ne veut revenir en arrière. Le nouveau logiciel accélère l’exécution de chaque tâche, comme la création d’une recette. C’est comme conduire une Porsche plutôt qu’une bagnole de 1999.»

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