Perspectives économiques 2020: croissance canadienne modeste sur fond d’incertitude
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Les perspectives économiques canadiennes pour 2020 s’améliorent légèrement grâce à une croissance du marché immobilier, de l’investissement résidentiel et de la consommation des ménages, bien que plusieurs facteurs ayant contribué au ralentissement de 2019 semblent persister. Cette conjoncture devrait se traduire par un taux de croissance d’environ 1,7 % pour l’économie canadienne en 2020.
L’année 2019 a été marquée par un ralentissement synchronisé des économies à travers le monde – près de 90 % des pays ont connu une croissance plus faible en 2019 qu’en 2018. Ce fut le cas pour le Canada, où la croissance est passée de 1,9 % en 2018 à un maigre 1,5 % anticipé pour 2019, ce qui est légèrement sous son potentiel.
En 2020 encore, la croissance sera freinée par l’incertitude mondiale liée aux tensions commerciales, aux élections américaines et à l’avenir du Brexit. En revanche, des facteurs dits internes, qui ont jadis ralenti l’activité économique, ont déjà commencé à s’estomper. C’est, par exemple, le cas du marché immobilier. Aussi, plus d’un an après la dernière hausse des taux d’intérêt par la Banque du Canada, la majeure partie de l’impact des hausses de 2017 et de 2018 s’est déjà fait sentir dans l’économie, et les ménages s’y sont finalement adaptés.
L’incertitude pèse toujours
La croissance mondiale a ralenti à 3 % en 2019, selon les analyses du Fonds monétaire international (FMI). Avant la crise financière mondiale qui a débuté à l'été 2007, le FMI définissait une récession mondiale comme une croissance inférieure à 2 % ou 3 % selon le directeur de la recherche de l'époque. Le Fonds n’a toutefois pas déclaré une récession mondiale en 2019.
Le ralentissement mondial s’explique en grande partie par la guerre commerciale, qui aura retranché près de 700 milliards de dollars à l’économie mondiale d’ici 2020. Ce ralentissement n’est pas directement lié aux tarifs imposés par l’administration Trump, mais plutôt à ce qu’ils représentent: la redéfinition des termes d’échanges établis. Ainsi, même si un accord venait à être conclu entre les États-Unis et la Chine, le conflit a ouvert la porte à un monde d’incertitude qui ne s’estompera pas de sitôt.
L’assouplissement des politiques monétaires par plus de 21 banques centrales, y compris la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne, ainsi que l’amélioration de la situation dans les pays émergents tels que le Brésil, la Russie et l’Inde, devraient soutenir l’économie mondiale et pousseront la croissance à 3,4 % en 2020.
Aux États-Unis: deux forces s’opposent
L'expansion américaine – la plus longue depuis 1854 – aura 11 ans en juin prochain! Bien que l’économie américaine ralentisse depuis 2018, la croissance est demeurée robuste en 2019 et se poursuivra en 2020. L’économie américaine se modérera légèrement au-dessus de son potentiel l’an prochain, atteignant 2,0 % de croissance.
La confiance des consommatrices et consommateurs continuera d’être le premier levier de la croissance américaine en 2020. Le marché du travail poursuit sur sa lancée alors que la création d’emplois est positive et que le taux de chômage demeure à un niveau historiquement faible. Les revenus des ménages sont aussi à la hausse. Cette vigueur stimulera la consommation des ménages et les mises en chantier qui avaient toutes deux ralenti légèrement au début de 2019 en réaction aux augmentations de taux d’intérêt.
La Réserve fédérale américaine a procédé à trois baisses de taux consécutives depuis l’été 2019 afin d’atténuer les risques occasionnés par le ralentissement mondial. Cet assouplissement permettra aux ménages américains de continuer à consommer à des taux avantageux. Il serait toutefois surprenant d’assister à d’autres baisses de taux de la part de la Réserve fédérale en 2020, à moins que le conflit sino-américain ne s’accentue avant les élections et que l’économie ne tourne au vinaigre.
L’incertitude causée, entre autres, par le conflit sino-américain, fait souffler un vent contraire sur les entreprises, dont la confiance s’est affaiblie depuis le début du conflit, au moment même où l’effet des allégements fiscaux de l’administration Trump s’évapore. Cette situation donne lieu à un recul des investissements en sol américain et limite la croissance économique. Puisque l’incertitude est appelée à continuer et la demande mondiale à ralentir, il y a fort à parier que l’investissement demeurera limité cette année encore aux États-Unis. Les élections de novembre prochain constituent une source d’incertitude supplémentaire pour les entreprises américaines.
L’économie canadienne s’améliore tranquillement
C’est dans ce contexte que l’économie canadienne devrait s’améliorer en 2020. Les grands défis demeurent l’incertitude mondiale, les tensions commerciales ainsi que les difficultés du secteur pétrolier. Toutefois, le marché immobilier et l’investissement résidentiel devraient continuer de regagner doucement du terrain.
Les perspectives d’investissement des entreprises risquent d’être plutôt similaires à celles de 2019, c’est-à-dire faibles. L’incertitude et les tensions commerciales réduisent l’investissement des entreprises alors que le ralentissement de l’économie chinoise pousse le prix des matières premières vers le bas. D’ailleurs, certaines matières premières ont connu une baisse des exportations et une année difficile. C’est le cas par exemple du canola et d’autres produits agricoles, mais aussi de l’aluminium.
Malgré un contexte mondial au ralenti, les exportations canadiennes se sont montrées résilientes en 2019. Ce phénomène devrait se maintenir en 2020, mais pourrait souffrir du léger ralentissement américain puisque 75 % des biens exportés du Canada sont destinés à nos voisins du Sud.
Le prix du pétrole devrait demeurer relativement faible
Les défis du secteur pétrolier demeurent un enjeu de taille pour les provinces productrices de pétrole. Alors qu’à pareille date l’an dernier nous nous attendions à ce que les économies de l’Alberta et de la Saskatchewan redécollent en raison des nouvelles capacités de transport prévues par le remplacement de la Ligne 3 d’Enbridge, des délais de livraison ont amené le gouvernement albertain à prolonger les restrictions de production de pétrole en 2020.
La situation économique mondiale laisse présager un ralentissement de la croissance de la demande de pétrole – ce qui exercera une pression à la baisse sur les prix. Le prix du brut devrait se maintenir à des niveaux relativement faibles cette année encore.
Les ménages: locomotive de l’économie canadienne
Alors, pourquoi dire que l’économie s’améliore? La réponse réside du côté des ménages canadiens.
Une des causes du ralentissement qui s’est amorcé en 2018 et qui s’est poursuivi jusqu’à la moitié de 2019 est le ralentissement du secteur immobilier. Les politiques provinciales restrictives en Colombie-Britannique et en Ontario, l’introduction du test de résistance et la hausse des taux d’intérêt ont tous contribué à ce ralentissement. Mais les ménages se sont finalement adaptés à ces changements.
Le regain de l’investissement des ménages s’explique en partie par la vigueur du marché du travail. Malgré une croissance économique modeste au Canada, l’économie a créé près de 360 000 emplois au cours des 10 premiers mois de 2019. Les taux de chômage ont atteint des creux historiques dans plus d’une province. Bien que le manque de personnel donne du fil à retordre à plusieurs entreprises, la pénurie de main-d’œuvre exerce une pression à la hausse sur les salaires.
Après plus d’un an de stabilité des taux d’intérêt, les taux hypothécaires ont commencé à baisser à la mi-année. La Banque du Canada devrait maintenir le taux directeur à 1,75 % en 2020 puisqu’elle entrevoit également un regain économique au pays. De plus, bien que plusieurs banques centrales aient amorcé un assouplissement de leur politique monétaire, le taux d’endettement des ménages canadiens demeure très élevé alors que le taux d’épargne est en baisse dans plusieurs provinces. La Banque du Canada se montrera probablement plus réticente à diminuer les taux étant donné qu’une baisse pourrait aggraver la situation financière des ménages.
Le Québec et la Colombie-Britannique en tête de peloton
L’année 2020 devrait donc être marquée par un regain du marché immobilier, de l’investissement résidentiel et de la consommation des ménages. Évidemment, la situation est différente d’un océan à l’autre. La Colombie-Britannique et le Québec continueront d’être en tête de peloton alors que la plus grande amélioration devrait se faire sentir dans les Prairies après une année 2019 assez difficile. Les provinces maritimes devraient continuer d’afficher une croissance positive grâce à l’augmentation de leur population, particulièrement en Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard.
En conclusion, la croissance de l’économie canadienne devrait s’améliorer légèrement en 2020, passant de 1,5 % en 2019 à 1,7 %. Plusieurs des facteurs à l’origine du ralentissement de l’an dernier continueront de limiter la performance de l’économie, mais des signes encourageants ont déjà commencé à se manifester, notamment dans le marché résidentiel. Pour le reste, les prix du pétrole, les taux d’intérêt et le huard devraient tous demeurer plutôt stables et relativement faibles.