Devenir un moteur de développement pour sa communauté

Après avoir œuvré en travail social, Mélanie Paul a rejoint sa famille dans l’entrepreneuriat pour contribuer à l’épanouissement économique de sa communauté innue

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Amener les communautés situées hors de portée du réseau électrique à abandonner les carburants fossiles pour aller vers les granules de bois: c’est l’objectif de l’entreprise Inukshuk Synergie qu’a démarrée en 2016 Mélanie Paul, entrepreneure innue de la communauté de Mashteuiatsh, au Saguenay-Lac Saint-Jean.

Avec sa cousine Suzie Paul, elle a aussi lancé récemment Akua Nature – akua signifie prendre soin - une entreprise qui fabrique des produits de santé naturels à partir des savoirs traditionnels des Premières Nations.

Dans la famille, notre fibre entrepreneuriale part d’un besoin humain. Poser des gestes et construire des projets afin d’aider les gens de notre communauté à se sortir de leurs conditions précaires a toujours été notre moteur.

Elle a aussi d’autres projets en tête pour stimuler l’entrepreneuriat dans sa communauté.

«Dans la famille, notre fibre entrepreneuriale part d’un besoin humain, explique Mélanie Paul. Poser des gestes et construire des projets afin d’aider les gens de notre communauté à se sortir de leurs conditions précaires a toujours été notre moteur.»

Des débuts en travail social

Si elle a maintenant les deux pieds dans l’entrepreneuriat, c’était loin d’être un rêve d’enfance. Lorsqu’elle était petite, Mélanie Paul voyait régulièrement des gens venir cogner à la porte de la maison familiale pour demander des sous ou vendre des objets à son père. Il était bien connu dans la communauté puisqu’il était directeur de la caisse populaire et qu’il démarrait des entreprises en parallèle.

«En voyant ces gens dans la misère, sans comprendre à l’époque le contexte historique derrière, je voulais faire quelque chose pour aider notre communauté aux prises avec des problèmes de pauvreté, de toxicomanie et de hauts taux de suicide. Je pensais que la seule façon d’y arriver était d’aller en travail social.»

Mélanie Paul décide donc d’étudier le travail social à l’Université Laval avant de travailler deux ans au Centre d’amitié autochtone de Québec qui aide les gens des Premières Nations en milieu urbain.

«J’aidais les gens dans le domaine de la toxicomanie et de la violence conjugale, mais c’était toujours une personne à la fois et je trouvais que ce que je pouvais faire était limité», se souvient Mélanie Paul.

Aider la communauté en créant de l’emploi

En 2002, son père qui travaillait alors à temps plein dans les entreprises qu’il avait démarrées avec ses frères dans le Groupe ADL lui a offert de s’impliquer dans les affaires familiales.

«Ma première question a été: quel est le lien avec mes études universitaires?», raconte Mélanie Paul.

Son père avait sa réponse. «Il m’a expliqué qu’il y avait différentes façons d’aider les gens et que de créer des emplois dans la communauté en était une parce que cela permettait de retrouver une fierté, de briser le cycle de la pauvreté et tout ce qui vient avec. Mon père a toujours été visionnaire.»

Inukshuk Synergie en phase de démarrage

Mélanie Paul a rapidement fait ses preuves dans les affaires familiales. En parallèle, elle cherche à améliorer ses compétences en gestion et en leadership à l’Université du Québec à Chicoutimi, puis à l’École d’Entrepreneurship de Beauce, où elle a été la première autochtone à être diplômée en 2015.

En 2016, elle lance Inukshuk Synergie pour développer le marché des granules de la biomasse de bois produites par une filiale du Groupe ADL qui a comme partenaire le Services bancaires aux Autochtones de BDC. «Nous avons toujours cru au développement de la filiale des granules pour venir complémenter les autres sources d’énergie vertes», affirme Mélanie Paul.

«On parle de convertir des systèmes qui fonctionnent au mazout vers des granules, explique Mélanie Paul. Ça semble facile, mais ce ne l’est pas dans un contexte nordique et nous sommes encore en train de faire des études de validation pour trouver la meilleure façon de faire, au meilleur coût. Il faut aussi créer un lien de confiance avec les communautés.»

Akua Nature en phase de commercialisation

Mélanie Paul est également très occupée, avec sa cousine Suzie, par Akua Nature.

Cette autre entreprise fabrique des produits à base de plantes médicinales autochtones cueillies par des gens des Premières Nations. Depuis février 2021, des tisanes, des épices et des produits cosmétiques sont vendus sur leur site. La commercialisation dans différents points de vente a commencé quelques mois plus tard.

«La réponse est très favorable, se réjouit Mélanie Paul. Nos produits sont 100 % authentiques et aujourd’hui, les gens veulent encourager ce genre d’entreprise.»

Son objectif? Bâtir des ponts entre la science et les savoirs ancestraux des Premières Nations dans le domaine des plantes médicinales. «Le tout, en respectant bien sûr la Terre mère», précise l’entrepreneure.

Déjà, Akua Nature compte une dizaine de personnes dans son équipe et fait affaire avec plusieurs cueilleuses et cueilleurs des communautés.

«On voit maintenant que plusieurs cueilleuses et cueilleurs se structurent autour d’Akua Nature, par exemple en créant leur compagnie, explique Mélanie Paul. D’autres propriétaires d’entreprise peuvent aussi venir utiliser nos équipements pour fabriquer leurs propres produits. Ainsi, Akua Nature peut servir de levier à la communauté.»

Financement difficile pour les femmes autochtones

Grâce à la vision de son père et des ressources du Groupe ADL qui était déjà bien établi à ses débuts comme entrepreneure, Mélanie Paul est consciente qu’elle a eu accès à un soutien financier que d’autres ont plus de difficulté à avoir.

«C’est certain que ça aurait été différent si j’avais été une femme qui part de zéro pour lancer son entreprise alors qu’aller chercher du financement n’est pas évident et que c’est encore pire dans le milieu autochtone», affirme l’entrepreneure.

Mais l’argent ne vient pas régler tous les problèmes. Mélanie Paul est convaincue que le mentorat manque encore davantage dans les communautés. C’est pour cette raison qu’elle travaille maintenant sur un troisième projet d'entreprise, le cercle Mocassins et Talons hauts, avec la femme d’affaires Danièle Henkel.

«Notre objectif est de propulser les entreprises des femmes autochtones en les maillant avec des marraines allochtones», précise Mélanie Paul.

Je souhaite qu’un jour, on entende parler de femmes autochtones de façon positive. Nous avons besoin de modèles pour redonner confiance aux femmes et aux jeunes filles.

Dans la foulée du mouvement Ensemble inc. qu’elle a lancé en septembre 2020 pour une relance économique au Québec qui se base sur la diversité et l’équité, l’entrepreneure s’est aussi engagée à lancer un incubateur-accélérateur dédié aux femmes autochtones entrepreneures d’ici décembre 2023.

«Cet incubateur-accélérateur devra être créatif parce que les communautés sont toutes éloignées et dans plusieurs endroits, le réseau de communication est loin d’être optimal», précise Mélanie Paul.

Ainsi, Mélanie Paul poursuit un grand rêve. «Je souhaite qu’un jour, on entende parler de femmes autochtones de façon positive. Nous avons besoin de modèles pour redonner confiance aux femmes et aux jeunes filles. Elles doivent savoir que c’est possible de réussir même si pendant des années, elles ont été limitées dans plein de sphères de leur vie.»

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