Marier raison d’être et impact: le parcours de 12 ans de Fair Trade Jewellery Co. pour un approvisionnement en or éthique
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Ryan Taylor était orfèvre concepteur à Toronto lorsqu’un client lui a demandé d’où provenait l’or qu’il utilisait. Pour répondre à cette question, il a entrepris de changer la manière dont l’industrie minière fait des affaires dans le monde entier – un parcours qui a duré 12 ans.
En cours de route, Ryan Taylor et l’autre cofondateur, Robin Gambhir, ont créé Fair Trade Jewellery Co., l’une des premières entreprises de joaillerie au monde à offrir de l’or portant la certification Fairtrade. Cette entreprise de Toronto dessine et fabrique des bijoux éthiques. Elle crée aussi des débouchés pour les petites mines artisanales du monde entier.
«Vous avez ces symboles d’amour, de confiance et d’engagement», explique Ryan Taylor, qui travaille maintenant comme concepteur en chef à Consensas, entreprise de logiciels dérivée de Fair Trade Jewellery Co. «Vous devez pouvoir prouver que votre or n’a pas empêché quelqu’un de saisir des occasions simplement pour que vous puissiez améliorer votre propre sort.»
En essayant de s’approvisionner de manière éthique, Ryan Taylor a parcouru la planète pour trouver de l’or qui pouvait non seulement être retracé jusqu’à ses origines, mais dont il pouvait aussi comprendre les effets sur les collectivités minières. L’or provient habituellement de multiples sources avant d’être mélangé pendant le procédé d’affinage, et il est alors impossible de connaître l’origine du produit final.
Il a fallu une année complète à Ryan Taylor pour trouver une communauté minière, en Colombie, où il pouvait acheter de l’or directement. Son entreprise travaille maintenant exclusivement avec des mines artisanales et s’est tournée vers l’approvisionnement éthique en diamants et en pierres précieuses traçables.
Un alliage de personnalisation et de raison d’être
Très tôt, les cofondateurs ont compris que plusieurs clientes et clients ne s’intéressaient pas à l’approvisionnement éthique.
«En fait, nous devons être de très bons joailliers pour réussir, affirme Ryan Taylor. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les gens achètent nos produits parce qu’ils proviennent d’une source d’approvisionnement responsable: nos bijoux doivent être aussi splendides que ceux des marques de luxe avec lesquelles nous rivalisons.»
L’entreprise conçoit tous ses bijoux selon des spécifications. Dans l’arrière-boutique, l’équipe utilise des techniques de microproduction comme la fabrication assistée par ordinateur et les imprimantes 3D, ainsi que des techniques de finition à la main qui sont employées depuis des siècles, pour personnaliser tous ses produits.
«Je voulais créer un studio ayant des flux de travail modernes et efficaces, explique Ryan Taylor. Avec la technologie appliquée, une personne peut accomplir la tâche de plusieurs. Nous marions ces techniques avec un travail de maître-artisan afin de créer des bijoux uniques au monde.»
Cet alliage de la personnalisation et de la raison d’être a apporté à l’entreprise des commandes soutenues. Ryan Taylor et Robin Gambhir emploient maintenant 12 personnes. «Une croissance de 40 % à 50 % d’une année à l’autre n’est pas inhabituelle pour nous», souligne Robin Gambhir.
L’entreprise a aussi obtenu plusieurs certifications pour son engagement envers l’éthique et l’environnement, dont la désignation B Corp accordée à des entreprises qui équilibrent la raison d’être et le profit.
Au-delà des initiatives d’«étiquetage»
Après plus d’une décennie en affaires, Ryan Taylor et Gambhir avaient le sentiment de ne pas en faire assez pour prouver que les matières qu’ils utilisaient servaient le bien commun. L’industrie de la joaillerie compte sur des documents écrits des fournisseuses et fournisseurs attestant que l’or, les diamants et d’autres pierres précieuses qu’elle utilise ne proviennent pas de zones de conflit ou de zones où l’on recourt au travail des enfants, par exemple.
«Les logos et les certifications sont souvent accordés sur la base d’un petit nombre de garanties, dit Ryan Taylor. Nous voulions vraiment aller au-delà de ces initiatives d’“étiquetage” pour obtenir des preuves quant à l’impact; une information fiable détenue par les communautés qui l’ont fournie.»
À cette fin, Consensas a été créée comme entreprise dérivée qui numérise la trace documentaire de la chaîne d’approvisionnement en métaux précieux dans les zones de conflit, de l’extraction à l’exportation. BDC a fourni le financement pour aider la nouvelle entreprise à démarrer.
Mesure de l’impact sur les collectivités locales
En 2018, Fair Trade Jewellery Co. et Consensas ont fait équipe avec IMPACT, une organisation non gouvernementale d’Ottawa, afin de fournir des données de traçabilité et de diligence raisonnable pour un projet d’or artisanal en République démocratique du Congo.
«C’était un projet qui mettait l’entreprise en jeu», dit Robin Gambhir, qui administre le volet commercial de Fair Trade Jewellery Co.
Le résultat est le premier or artisanal entièrement traçable provenant du Congo. Les données recueillies tout au long de la chaîne d’approvisionnement ont aussi servi à comprendre comment les activités minières se répercutaient sur les collectivités locales.
«Nous faisons coïncider les notices d’impact avec les matières. Nous pouvons donc, pour la première fois, affirmer avec une certitude absolue – reposant sur des preuves tangibles – qu’une bague a été produite par des femmes, à partir d’or extrait par des femmes, et qu’elle représente un avantage mesurable pour la santé et le bien-être», explique Ryan Taylor.
Une vision grandiose
Forts de ce premier projet, Ryan Taylor et Robin Gambhir veulent maintenant faire accéder un plus grand nombre de mines artisanales aux industries mondiales des mines et de la joaillerie. Les minéraux de terres rares comme le cobalt, un minéral essentiel à la fabrication de composants électroniques, offrent un cas particulièrement intéressant d’utilisation de la technologie de l’entreprise.
«La vision grandiose de Consensas est de doter les personnes les plus marginalisées d’outils pour acquérir leur légitimité et livrer une concurrence sur les marchés mondiaux, explique Ryan Taylor. C’est extrêmement ambitieux.»
Et malgré les opposantes et opposants, les cofondateurs, en mettant sur pied leur entreprise de joaillerie, ont pu ensuite amorcer des conversations avec plusieurs personnes et entreprises d’importance de l’industrie minière.
«Lorsque j’ai commencé à créer des chaînes d’approvisionnement fermées afin de pouvoir dire aux gens d’où provenait leur or, l’industrie nous a littéralement dit que nous ne pouvions pas le faire, que c’était impossible. Et pourtant, nous l’avons fait», affirme Ryan Taylor.
3 conseils pour aider votre entreprise à grandir
1. Trouvez votre mission personnelle
Il n’est pas toujours facile d’être propriétaire d’entreprise: des difficultés financières peuvent surgir et le travail est souvent éreintant. Ryan Taylor dit qu’il faut manifester de la passion pour le problème que vous tentez de résoudre.
«C’est votre mission personnelle, votre étoile polaire. C’est le point de repère qui vous permet de garder le cap. Vous pouvez parfois vous écarter de votre voie, mais vous allez toujours vous réorienter vers le problème à résoudre.»
2. Donnez au personnel le sentiment d’avoir un but
Fair Trade Jewellery Co. a connu un important roulement de personnel dans ses premières années. À mesure que Robin Gambhir et Ryan Taylor devenaient de meilleurs hommes d’affaires, ils ont compris que l’embauche et la conservation d’un bon personnel exigent de partager des valeurs communes entre les membres de l’équipe.
«Une des raisons pour lesquelles nous avons pu attirer les meilleurs talents est que les membres de notre personnel viennent travailler avec le sentiment d’avoir une raison d’être, affirme Robin Gambhir. Elles et ils ne font pas que fabriquer de beaux objets. Ces personnes font des choses qui ont une raison d’être et qui produisent un impact.»
3. N’ayez pas peur d’insister
Les gens n’aiment pas changer leur façon de faire. Il est difficile, c’est le moins qu’on puisse dire, de mettre un nouveau produit en marché ou de changer les méthodes établies dans une industrie. Selon Ryan Taylor, il ne faut pas avoir peur d’insister si vous croyez vraiment en ce que vous faites.
«Les gens aiment parler d’innover et de faire de nouvelles choses mais, en réalité, elles et ils détestent la nouveauté, dit Ryan Taylor. Howard Aiken, un des premiers ingénieurs d’IBM, a dit: “Ne vous inquiétez pas que l’on puisse voler vos idées: si elles sont originales, vous aurez du mal à les faire avaler aux gens.”»