Démêler famille et affaires: comment quatre sœurs ont réussi la transition de l’entreprise familiale
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Pour les quatre sœurs Thuot, l’entreprise de leurs parents, Techno Diesel, a toujours été comme le cinquième enfant de la famille. Tout dans cette familiarité les a bien préparées à assurer la contuité de l’entreprise de réparation de camions lourds, mais elles ont dû surmonter encore plusieurs défis pour réussir le passage à la deuxième génération.
Car, au-delà des difficultés qui surviennent habituellement lorsque les fondatrices ou fondateurs d’une entreprise la quittent, les sœurs ont aussi dû apprendre à gérer leur dynamique familiale.
«À l’adolescence, je n’avais pas le réflexe de travailler en collaboration. Même chose pour chacune de mes sœurs», explique Caroline Thuot, aujourd’hui directrice générale de l’entreprise de Joliette, au Québec. «Notre mère nous a enseigné qu’être une relève voulait dire faire preuve de respect et apprendre à travailler avec l’équipe, la clientèle et les fournisseuses et fournisseurs.»
Une entreprise familiale tissée serrée
Fondée en 1977 par Marcel Thuot, Techno Diesel avait depuis ses débuts été gérée à deux. Marcel Thuot s’occupait des ateliers et du développement des affaires tandis que sa femme, Jacinte Mailhot, était responsable de l’administration et de la gestion de l’entreprise.
«Même si, au début, le rôle de chaque personne n’était pas réellement clair, le couple formait une équipe incroyable. Celui-ci a toujours dit qu’il était un couple en affaires uni par les liens sacrés du garage!», explique Caroline Thuot.
D’abord axé sur la réparation de moteurs diesel, le couple décide éventuellement de se concentrer sur la réparation des camions, une décision qui permet à l’entreprise de prendre de l’expansion au moment où la famille s’agrandit avec l’arrivée des quatre filles.
L’entreprise et les filles grandissent ainsi ensemble. Les soirs, à l’heure du souper, Jacinte Mailhot demande à chacune de ses filles comment a été leur journée, puis s’enchaînent les diverses conversations sur ce qui s’est passé dans la journée chez Techno Diesel.
«Techno Diesel était vraiment un membre à part entière autour de la table, raconte Caroline. On jouait dans les camions ou on jouait avec les téléphones en faisant des jeux à l’intercom. En fait, c’était notre deuxième maison.»
Démêler famille et affaires
Suivant chacune son propre parcours, les sœurs se joignent une à une à l’entreprise familiale à compter de 2001. En 2011, Techno Diesel fait l’acquisition de Chevrette Réparation, gagnant ainsi un nouveau partenaire d’affaires du même âge que les sœurs, Vincent Brault.
Avec le temps, la nouvelle génération gagne en expérience et en responsabilités, jusqu’à ce qu’elle se sente prête à reprendre l’entreprise. Mais leur mère demande qu’elles se fassent accompagner dans le processus de transition pour s’assurer de son bon déroulement.
Cet accompagnement leur permet de mettre en place une structure à quatre paliers pour les aider à démêler les histoires de famille de la gouvernance et de la gestion de l’entreprise. S’organisent donc un comité de direction, qui rassemble les membres de la direction de l’entreprise; un comité consultatif, constitué d’entrepreneures et entrepreneurs externes, pour conseiller la vision stratégique; un conseil des actionnaires, à qui la directrice générale doit rendre compte; et un conseil de famille, pour discuter des relations familiales.
«On n’est pas tout le temps en meeting, n’ayez crainte! Mais, ces diverses instances nous ont appris à départager ce qu’on avait à dire et à choisir le bon contexte pour le dire», explique Caroline Thuot.
Le conseil de famille, en particulier, leur a permis de surmonter les embûches qui guettent plusieurs transitions d’entreprises familiales.
«Encore aujourd’hui, on se pose vraiment la question “comment ça va?”», explique Caroline au sujet du conseil de famille. «Comment ça va moi? Et avec mes sœurs, mes parents? Et dans mon rôle au travail? Vous comprenez que moi, je travaille avec mes sœurs qui sont aussi mes amies, et aussi mes partenaires d’affaires.»
Nouvelle génération: nouvelle façon de faire
La transition d’une génération à l’autre a aussi permis aux sœurs de revoir les façons de faire. Le style de gestion plutôt hiérarchique des parents est remplacé par une structure qui permet à plusieurs personnes de prendre part aux décisions dans l’entreprise.
«Quand on parle de structure de gouvernance, c’est aussi permettre de partager le décisionnel, explique Caroline. On est cinq jeunes de moins de quarante ans qui sont copropriétaires d’une entreprise. Et on le fait en collaboration. Et ça, c’est un nouveau mode de gestion.»
«Tout le monde a le goût d’être impliqué. Tout le monde a besoin d’être considéré. Tout le monde souhaite pouvoir mettre en valeur ses talents. Mais pour ça, il faut qu’il y ait de l’espace créatif qui soit disponible», ajoute-t-elle.
Diversification et expansion
Avec le recul, les quatre sœurs sont très fières de leur parcours et du chemin parcouru ensemble et elles se sentent prêtes à affronter de nouveaux défis.
«Nos parents ont construit une entreprise magnifique et ont eu la patience de nous partager leur amour pour les gens qui y ont contribué et qui font que la continuité est possible», dit Caroline.
En 2013, l’équipe de relève a convaincu le groupe d’actionnaires, dont les parents font encore partie, de se lancer dans un nouveau secteur d’activité: la fabrication et la distribution de toiles pour véhicules lourds. «Ce nouveau segment nous permet aujourd’hui d’avoir une présence sur le territoire canadien en plus de poursuivre notre mission d’être un leader dans les services offerts aux propriétaires de véhicules lourds», explique Caroline.
«C’est vraiment stimulant tout ce qu’on découvre à travers ça, s’exclame-t-elle. À l’étape où nous en sommes, on peut vraiment dire qu’on a réussi la transmission de l’entreprise à la deuxième génération. On parle maintenant de développement et de croissance, à notre couleur et selon nos propres aspirations, mais toujours guidés par notre histoire et le succès des 40 dernières années. Et puis, ce sera l’heure de penser à la troisième génération très bientôt!»