Perspectives économiques 2021: une année de rattrapage
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Les perspectives économiques canadiennes pour 2021 sont similaires à celles attendues pour l’ensemble des pays développés : après la contraction économique la plus importante depuis 1945 (que nous estimons à 5,5 % du PIB), le pays devrait recouvrer une croissance suffisante pour compenser en grande partie les pertes subies en 2020.
La vigueur de la consommation ainsi que la reprise des exportations vont insuffler un élan à l’économie canadienne. Le devancement de projets d’investissement des gouvernements devrait également fournir un vent arrière à la croissance économique canadienne.
À l’inverse, le report des investissements des entreprises et un ralentissement du marché de l’habitation limiteront l’ampleur de la reprise.
La reprise dépend de l’évolution du virus
De toute évidence, la vigueur de la reprise économique dépendra avant tout de l’évolution de la pandémie.
Les récents développements médicaux sont encourageants – une distribution à grande échelle d’un vaccin à compter de l’été 2021 pourrait permettre à l’économie canadienne de connaître une croissance économique de 4,5% ou plus. Un déploiement plus tardif pourrait limiter les gains à 4 %. Dans tous les cas, le rétablissement à un niveau d’activité économique pré-pandémie devra attendre 2022.
Au-delà du virus, l’incertitude internationale demeure élevée, et les courants protectionnistes continuent de peser sur les perspectives d’une économie tournée vers l’exportation comme la nôtre. La Banque du Canada poursuivra sa politique de détente monétaire exceptionnelle au moins jusqu’en 2023.
Consommation et exportations: moteurs de croissance au Canada
Les programmes d’aide du gouvernement canadien ont contribué à ce que la reprise du marché de l’emploi soit beaucoup plus vigoureuse qu’aux États-Unis: en date d’octobre, 80 % des trois millions d’emplois perdus en mars et avril avaient été récupérés au Canada.
Tout comme aux États-Unis, la consommation et le marché de l’habitation ont rapidement rebondi à la suite de l’allègement du confinement printanier. Les exportations de biens (incluant l’énergie) ont repris du tonus assez rapidement, alors que les exportations de services n’ont pas du tout rebondi.
Pour 2021, le Canada devrait bénéficier d’un environnement propice à ses exportations, et la consommation devrait profiter de la résilience du marché du travail et de la poursuite des programmes d’aide aux ménages.
Reprise limitée par les investissements des entreprises
Nos sondages auprès des propriétaires d’entreprise montrent toutefois que les entreprises auront tendance à reporter ou à annuler leurs investissements, en raison de la nécessité d’assainir leurs finances.
Certains secteurs de services – notamment ceux qui sont tributaires du tourisme comme l’hébergement et la restauration – vont vivre une deuxième année difficile. Leurs activités devraient être limitées par la pandémie au cours du premier trimestre, avant de connaître un certain regain au retour du printemps. La distribution d’un vaccin efficace dictera leurs perspectives pour la fin de l’année.
Le secteur immobilier, épargné jusqu’ici par la crise, devrait au mieux stagner. Le repli important de l’immigration à court terme, ainsi que des conditions de prêts hypothécaires qui pourraient devenir plus contraignantes, représentent des risques baissiers en 2021, particulièrement dans les centres urbains.
Quel impact sur les propriétaires d’entreprise?
- Les conditions économiques continuent de déprendre de l’évolution de la pandémie: pour les secteurs liés au tourisme, le retour à la normale ne se fera pas avant 2022 au plus tôt.
- L’achat local gagne en popularité et peut représenter une occasion de croissance pour les PME. Cependant, le courant protectionniste qui gagne du terrain dans bien des pays pourrait constituer une menace pour les entreprises d’exportation.
- L’investissement en technologie, le télétravail et la vente en ligne demeureront des tendances importantes pour l’évolution et la croissance des PME canadiennes en 2021.
L’Ontario devrait afficher la meilleure croissance en 2021
De façon générale, la croissance économique devrait être plus importante dans les provinces ayant davantage souffert des conséquences économiques de la COVID-19 en 2020.
L’Ontario, qui a été la province la plus sévère quant à la levée des mesures de restrictions sanitaires en 2020, pourrait connaître la croissance économique la plus vigoureuse au pays en 2021.
De nouveaux investissements dans le secteur de la construction automobile devraient donner un élan additionnel au secteur manufacturier de la province. Une reprise de l’immigration devrait également redynamiser l’économie, notamment dans le Grand Toronto. Une croissance de 4,5 % est attendue en Ontario.
Non loin derrière, la Colombie-Britannique et le Québec devraient afficher des taux de croissance somme toute élevés, autour de 4 %. Un marché de l’habitation moins en surchauffe en Colombie-Britannique et un secteur de l’aéronautique au ralenti au Québec auront l’effet d’un vent contraire dans ces provinces.
Du côté des Prairies, l’Alberta a connu un double choc en 2020, soit les mesures de confinement et l’impact qu’elles ont eu sur les cours du pétrole. La province bénéficiera d’un meilleur contrôle de la pandémie sur ces deux fronts. La croissance devrait se situer sous la moyenne (3,5 %), étant donné le faible niveau d’investissement attendu du côté du secteur pétrolier.
La Saskatchewan, dont l’éventail de ressources naturelles a été légèrement moins affecté par la COVID-19, peut s’attendre à une croissance de 4 %. Le Manitoba, qui a affiché la meilleure performance du groupe en 2020, connaîtra une progression économique légèrement sous la moyenne nationale, à 3,5 %.
La situation dans les provinces de l’Atlantique dépendra du contrôle de la pandémie au Canada.
La création d’une bulle restreignant les déplacements au sein des quatre provinces a limité le tourisme provenant de l’extérieur de la région pendant la saison estivale 2020. Elle a cependant permis à la région d’afficher le meilleur bilan sanitaire au Canada. Le maintien des restrictions l’été prochain limiterait les perspectives économiques en 2021 à une fourchette de 2,0 % à 2,5 %. Leur assouplissement pourrait en revanche donner un élan additionnel d’un point de pourcentage.
La technologie en tête de peloton
En 2020, la forte croissance du travail à distance, de l’apprentissage en ligne, de la télémédecine et du commerce électronique a accéléré l’adoption des technologies dans tous les secteurs de l’économie. Résultat: la production du secteur de la technologie n’a reculé que de 3 % entre février et avril 2020, comparativement à un repli de 18 % de l’économie en général.
Près de 40 % des PME canadiennes prévoient investir dans la technologie en 2021, ce qui devrait bénéficier au secteur de la technologie. Dans l’ensemble, on prévoit que celui-ci enregistrera une croissance de 1,1 % en 2020, puis de 2,2 % en 2021.
La crise s’apparente davantage à une récession normale pour la plupart des autres secteurs. Durement touché au début de la crise, le niveau de production devrait augmenter graduellement pour rattraper en 2022 ceux d’avant la pandémie.
Le redressement dans les secteurs du tourisme, de l’hébergement et de la restauration risque cependant d’être plus lent. Ces secteurs durement touchés devront probablement attendre un contrôle presque total de la pandémie pour voir leur niveau d’activité revenir à la normale.
3 chiffres clés pour l’économie canadienne en 2021
4 %
Croissance canadienne attendue
5,2 %
Croissance économique internationale prévue
3 % à 3,5 %
Croissance attendue aux É.-U.
Perspectives limitées pour le pétrole canadien
2020 a été une année difficile pour le secteur pétrolier canadien. La réduction historique de la demande en pétrole a forcé plusieurs des grandes entreprises de production à s’entendre sur des réductions de production significatives.
Malgré la discipline dont ont fait preuve les membres de l'OPEP+, les stocks de pétrole ont atteint des niveaux record, excédant les trois milliards de barils.
La poursuite du télétravail et le maintien des restrictions de déplacement devraient tempérer la consommation de pétrole, au moins jusqu’au déploiement à grande échelle d’un vaccin. La demande en pétrole reprendra du mieux, mais elle ne devrait recouvrer ses niveaux pré-pandémie qu’en fin d’année, dans le meilleur des cas.
L’Agence internationale de l’énergie s’attend néanmoins à ce que les prix du pétrole soient suffisamment élevés pour que la production canadienne retrouve des niveaux similaires à ceux atteints en 2019 – une hausse de 20 % par rapport au creux du printemps 2020. Cela risque toutefois de ne pas être suffisant pour encourager de nouveaux investissements à court terme.
Les stocks élevés limiteront les hausses de prix du brut. Aussi, un risque additionnel se pose du fait de l’opposition présumée du président élu Joe Biden au projet Keystone XL qui, à terme, acheminerait du pétrole de l’Alberta jusqu’au Texas.
Impasses politiques aux États-Unis?
Après 11 ans de croissance ininterrompue, l’économie américaine aura connu une contraction du PIB d’environ 3,5 % en 2020. Plus de 20 millions d’Américaines et Américains ont perdu leur emploi entre février et avril.
Les programmes d’aide du printemps ont néanmoins amoindri les effets négatifs de la première phase de la crise. Les dépenses en consommation et le marché de l’habitation ont notamment connu une reprise en V.
Pour la suite des choses, la pandémie demeure moins bien contrôlée aux États-Unis que dans bien des pays, et des inquiétudes demeurent quant au manque de coordination entre les instances publiques.
Les perspectives d’une division du pouvoir à Washington, où le Sénat sera probablement républicain (en fonction du résultat des élections de deuxième tour en Géorgie, le 5 janvier prochain), suggèrent un environnement politique semé d’impasses, du moins jusqu’aux élections de mi-mandat de 2022.
Entre-temps, la confiance des consommatrices et consommateurs et des entreprises demeure stable malgré l’incertitude actuelle. L’incapacité du Congrès à s’entendre sur une deuxième ronde d’aide aux ménages représente un risque considérable pour la consommation.
Selon l’évolution de la pandémie, une croissance économique de 3 % à 3,5 % en 2021 aux États-Unis représente notre scénario de base.
Économie mondiale: place au protectionnisme?
L’économie mondiale connaîtra une contraction de 4,4 % en 2020, selon les analyses du Fonds monétaire international (FMI). Il s’agit de la première contraction globale importante en plus de 70 ans.
En réponse, les banques centrales à travers le monde utilisent les politiques monétaires les plus expansionnistes de leur histoire. En l’absence d’une détérioration marquée de la situation sanitaire, le FMI entrevoit une croissance économique internationale de 5,2 % en 2021.
Le vent de protectionnisme observé ces dernières années suscite de l’inquiétude et pourrait s’intensifier, porté par des courants politiques prônant l’autosuffisance industrielle.
La croissance des échanges internationaux avait déjà passablement ralenti avant l’arrivée de la pandémie. La crise en cours a mis en évidence la vulnérabilité de certaines industries dont les chaînes d’approvisionnement se sont internationalisées.
D’ailleurs, il n’est pas clair que l’élection de Joe Biden à la présidence des États-Unis renversera la propension à encourager le Buy American, qui est coutume lorsque les États-Unis sortent d’une crise économique.
Une croissance qui dépend du contrôle de la pandémie
En conclusion, la croissance de l’économie canadienne dépendra avant tout du contrôle de la pandémie.
Un vaccin distribué à grande échelle à partir du milieu de l’année permettrait une croissance économique de 4,5 % ou plus, et un retour au PIB d’avant la crise assez tôt en 2022.
En revanche, un vaccin distribué uniquement à la fin de 2021 limiterait la hausse à quelque 4 %, et le rétablissement complet de l’économie canadienne serait alors reporté à la fin de 2022.
Entre-temps, les faibles taux d’intérêt, un huard stable et un environnement géopolitique plus prévisible limiteront les risques baissiers auxquels feront face les propriétaires d’entreprise du Canada.