10 signes avant-coureurs de difficultés financières en entreprise

Apprenez comment éviter certaines des embûches les plus communes pour les propriétaires d’entreprises

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Certains signes avant-coureurs de difficultés financières en entreprise sont évidents, d’autres sont plus surprenants. Savoir les reconnaître peut aider à mieux les contrôler avant que la situation ne dégénère.

Rencontrer des chef et cheffes d’entreprise en difficulté financière constitue le quotidien de Caroline Comiré, vice-présidente adjointe et Karina Amram, directrice, Restructuration d’entreprise, BDC. Elles connaissent sur le bout de leurs doigts les situations à risque qui peuvent mener une organisation à la restructuration.

Elles présentent 10 des signes avant-coureurs de difficultés financières pour les petites et moyennes entreprises (PME) et offrent des conseils pour éviter ces embûches.

1. Croissance incontrôlée du volume d’affaires

Les entreprises cherchent toujours la croissance, mais son rythme doit être contrôlé pour éviter de heurter un mur.

«Une croissance rapide du chiffre d’affaires amène un défi de liquidités, par exemple parce que l’entreprise doit bâtir son inventaire en prévision de réaliser ses ventes, explique Karina Amram. Elle doit avoir une plus grande marge de manœuvre et donc, avoir une capacité d’emprunt plus élevée. Or, si tout va très vite, le personnel peut avoir de la difficulté à sortir les informations financières pour la banque qui risque aussi de ne pas pouvoir suivre l’entreprise à la vitesse dont elle a besoin.»

Une croissance rapide du chiffre d’affaires amène un défi de liquidités, par exemple parce que l’entreprise doit bâtir son inventaire en prévision de réaliser ses ventes.

La gestion de la logistique est aussi difficile lors d’une croissance rapide. «Les entreprises se retrouvent, par exemple, à devoir louer des entrepôts rapidement et trouver du transport, en plus de devoir embaucher plus de main d'œuvre, explique Karina Amram. Et, lorsqu’on est dans l’urgence, tout coûte plus cher et les décisions ne sont pas toujours les plus judicieuses.»

Certaines entreprises décident aussi d’agrandir leur usine pour répondre à la demande. «Une entreprise rendue à 90 % de sa capacité pourrait décider, par exemple, de doubler sa superficie, explique Caroline Comiré. Mais, une fois l’agrandissement terminé, moins de 50 % de la superficie sera temporairement utilisée le temps que la croissance se matérialise. C’est un risque, parce que cela représente des coûts supplémentaires importants.»

Par exemple, cette croissance rapide peut se faire lorsque les produits d’une entreprise commencent à être distribués dans une grande chaîne de vente au détail. «Si l’entreprise n’arrive plus à respecter ses contrats parce qu’elle n’a pas la capacité de s’approvisionner suffisamment, elle devra payer des pénalités, illustre Caroline Comiré. Finalement, ces contrats ne seront alors pas rentables et pourraient même coûter de l’argent à l’entreprise. La dégringolade peut être rapide.»

Comment éviter les difficultés liées à une croissance d’entreprise trop rapide?

Il faut s’assurer de grandir à un rythme que l’on est capable de suivre, même si la tentation est souvent grande d’aller très rapidement. «Il est important de savoir s’entourer des bonnes personnes pour réussir sa croissance et ainsi s’assurer d’avoir une bonne gestion de ses liquidités, de sa marge de crédit et de ses autres ressources», explique Karina Amram.

2. Une acquisition d’entreprise qui ne donne pas les résultats escomptés

Lors d’une acquisition, intégrer de nouvelles entreprises demande du temps et des liquidités, surtout si elles étaient en mauvaise posture financière.

On sous-estime généralement le défi d’intégration de la culture d’entreprise. «La force d’une entreprise, c’est souvent ses gens, remarque Karina Amram. Si le personnel n’adhère pas aux mêmes valeurs et à la même vision, l’intégration sera difficile et il y aura un impact sur les opérations. La culture d’une entreprise, c’est ce qu’il y a de plus difficile à changer.»

Les synergies sont pour leur part souvent surestimées lors des acquisitions. Prenons le domaine automobile, avec une entreprise concessionnaire d’une marque qui acquiert une entreprise concessionnaire d’une marque différente. «Finalement, chaque marque doit avoir son département d’entretien, illustre Caroline Comiré. Si une compagnie concessionnaire de véhicules neufs veut acquérir une entreprise de revente de véhicules usagés, elle réalisera aussi rapidement que les réseaux d’approvisionnement sont très différents. Finalement, les nombreuses synergies prévues ne se réalisent pas, ou pas aussi vite que prévu, surtout lorsque l’analyse de l’occasion d’affaires et la vérification diligente n’ont pas été très poussées.»

Comment éviter les difficultés lors d’une acquisition d’entreprise?

Il est important d’investir temps et argent pour réaliser un examen approfondi des dossiers financiers, des questions juridiques et du positionnement sur le marché de l’entreprise que vous voulez acquérir. Un processus de diligence raisonnable pourra vous assurer que vous n’aurez pas de mauvaise surprise coûteuse après l’achat.

Le processus de diligence raisonnable vous permettra également de planifier l’intégration de votre cible d’acquisition.

3. Changements dans les outils de gestion

Avoir des outils de gestion performants est essentiel pour qu’une entreprise survive, mais les dérapages sont fréquents lors de leur implantation. «Les outils de gestion peuvent coûter beaucoup plus cher que prévu et ils peuvent paralyser les systèmes d’information de l’entreprise si leur implantation est mal planifiée», constate Karina Amram.

Il ne faut pas non plus sous-estimer la résistance au changement du personnel.

Comment assurer l’implantation réussie d’un nouveau système de gestion?

«Pour mener un changement, la première étape est de bien communiquer le changement ainsi que de démontrer en quoi il sera un avantage pour les membres du personnel afin de s’assurer de l’adhésion aux nouveaux systèmes de gestion», explique Caroline Comiré.

Lorsqu’on forme bien ses gens, on peut avoir des résultats extraordinaires. Ainsi, la formation ne représente pas des coûts, mais de la valeur ajoutée.

La formation est aussi essentielle pour rentabiliser ces investissements. «Souvent, une entreprise a des systèmes hyper performants, mais les gens ne savent pas comment s’en servir pleinement, ajoute Caroline Comiré. Lorsqu’on forme bien ses gens, on peut avoir des résultats extraordinaires. Ainsi, la formation ne représente pas des coûts, mais de la valeur ajoutée.»

4. Endettement élevé

«Dans une même industrie, il y a toujours des entreprises plus endettées que d’autres, affirme Karina Amram. Les entreprises très endettées ont moins de marge de manœuvre et sont donc plus vulnérables aux imprévus. Au contraire, les entreprises moins endettées peuvent saisir des occasions inaccessibles aux autres. Il faut savoir aussi que plus une entreprise est endettée, plus les taux d’intérêt qu’elle obtiendra pour ses emprunts seront élevés.»

Les entreprises très endettées ont moins de marge de manœuvre et sont donc plus vulnérables aux imprévus. Au contraire, les entreprises moins endettées peuvent saisir des occasions inaccessibles aux autres.

De plus, la structure de l’endettement doit être bien répartie entre le court terme et le long terme. Par exemple, lorsqu’une entreprise réalise un projet, elle obtient un prêt à long terme, mais parfois, les imprévus et dépassements de coûts n’y sont pas financés. «L’entreprise doit assumer les dépassements de coûts et il arrive que la direction utilise, pour ce faire, sa marge de crédit, explique Caroline Comiré. Rapidement, l’utilisation de la marge excédera la capacité d’emprunter de l’entreprise, la marge étant prévue en fonction des besoins de l’entreprise pour réaliser ses opérations quotidiennes.»

Comment éviter le surendettement?

Il ne faut jamais prendre l’endettement à la légère. «Avant d’investir davantage, il faut toujours s’assurer de maximiser les actifs existants. Lors de l’analyse d’un projet, il faut prévoir suffisamment de coûts potentiellement imprévus et d’établir une structure adéquate de financement dès le départ. Il serait aussi judicieux de laisser les profits dans l’entreprise afin de bénéficier d’une plus grande marge de manœuvre lors de périodes plus difficiles.»

5. Une succession d’entreprise mal planifiée

Les entreprises qui se transmettent de génération en génération suscitent l’admiration. Mais, leurs défis sont nombreux.

Par exemple, il peut y avoir des conflits entre les actionnaires d’une même famille. «Souvent, cela va les empêcher de gérer efficacement l’entreprise, constate Karina Amram. Les émotions entrent en ligne de compte et prendre de bonnes décisions en obtenant un consensus devient alors rapidement compliqué.»

Le manque de préparation de la relève est aussi fréquent. Or, Caroline Comiré remarque que plusieurs belles entreprises familiales connaissent de grandes difficultés parce que les parents tenaient à tout prix à ce que leurs enfants prennent la relève. «Il y a souvent dans ces entreprises des employées ou employés très motivés qui ne sont pas membres de la famille, remarque-t-elle. Ces membres clés du personnel sont en désaccord avec l’arrivée de la nouvelle direction qu’elles ou ils perçoivent comme n’ayant pas les compétences pour faire le travail. La situation devient alors rapidement problématique et les talents clés partent.»

Comment réussir une succession d’entreprise?

Un plan de relève est une façon éprouvée de réduire la turbulence au moment de confier les rênes de l’entreprise à la prochaine génération. La mise en place d’un plan vous donnera l’occasion de discuter du détail de la vente avec votre banque et vous donne le temps de vous occuper du côté humain de la succession.

N’oubliez pas de veiller à ce que la personne de la famille qui prendra la direction de l'entreprise ait la préparation nécessaire pour assumer ses fonctions. Caroline Comiré suggère, par exemple, de «mettre en place des personnes clés autour des enfants pour bien les accompagner».

6. Industrie cyclique ou difficile

Les industries cycliques, comme celles du bois d’œuvre et des mines, ou dont le marché perd sa pertinence, comme celle du disque compact, amènent aussi leur part de risque.

«Les entreprises dans des industries cycliques ont des enjeux particuliers au niveau de leur financement et des variations souvent importantes de leur situation financière au fil du temps», remarque Karina Amram.

Comment éviter les ennuis dans un secteur difficile?

Il faut redoubler de prudence au niveau des finances lorsqu’on dirige une entreprise dans une industrie cyclique ou difficile afin de mieux gérer les liquidités pendant les périodes creuses inévitables. La créativité peut aussi donner un bon coup de pouce.

«Par exemple, une entreprise qui fabrique des traineaux en plastique pour l’hiver pourrait, avec le même réseau de distribution, fabriquer des pelles de plastique pour le jardinage l’été, illustre Caroline Comiré. Il faut faire tout ce qu’on peut pour réduire le risque et maximiser ses ressources.»

7. Problèmes d’organisation

Les entrepreneures et entrepreneurs portent souvent le poids de leur entreprise sur leurs épaules. Or, lorsque des problèmes personnels surviennet, un dérapage est possible. «Lorsqu’on voit que les actionnaires sont difficilement joignables pendant les heures d’ouverture de l’entreprise, que plusieurs membres du personnel partent, ou que la gestion des finances dans l'entreprise passe trois fois de main en deux ans, cela indique qu’il y a possiblement quelque chose qui ne fonctionne pas», affirme Caroline Comiré.

Il faut aussi porter attention à la diversification de la clientèle. «Certaines entreprises ont un client ou une cliente responsable de 40 % de leur chiffre d’affaires, remarque Karina Amram. Elles en deviennent donc dépendantes et si la relation d’affaires se brise soudainement, il devient très difficile de remonter la pente.»

Comment éviter les problèmes d’organisation?

La personne à la tête de l'entreprise devrait s’entourer d’un conseil d’administration ou d’un comité consultatif. «Savoir s’entourer de gens d’expérience différente: c’est la clé, illustre Caroline Comiré. En tant que propriétaire d'entreprise, vous devez vous allier des gens qui excellent dans les domaines qui ne sont pas vos forces.»

La création d’un plan stratégique est aussi un exercice qui peut mitiger les risques. «Plusieurs hommes et femmes d'affaire gèrent leur entreprise par instinct, et cela peut être adéquat pour une petite PME mais devient problématique au fur et à mesure de la croissance, affirme Caroline Comiré. On voit alors de plus grandes entreprises qui n’ont pas de planification stratégique ni de prévisions financières adéquates et qui ne peuvent pas efficacement s’adapter lorsque des défis émergent.»

8. Problèmes de gestion financière

Une gestion des finances déficiente occasionne généralement de graves problèmes. «Une entreprise qui ne produit pas d’états financiers mensuels ni de prévisions financières, c’est inquiétant, indique Caroline Comiré. Lors d’une baisse de rentabilité soudaine, il est donc difficile d’en déterminer les causes exactes et de s’adapter rapidement.»

Par exemple, certains propriétaires d'entreprise pourraient ne pas réaliser qu’ils ou elles utilisent la marge de crédit de façon maximale pendant plusieurs mois d’affilée. «Pourtant, les banques à charte, elles, lèvent rapidement un drapeau rouge lorsque cela arrive», ajoute Karina Amram.

Comment éviter les problèmes de gestion financière?

L’implantation de processus financiers efficaces vous aidera à rationaliser les activités de votre entreprise et à obtenir l’information dont vous avez besoin, quand vous en avez besoin. De plus, il est essentiel de disposer de bonnes mesures de protection et de contrôle pour atténuer les risques (gestion de liquidités, fraude, prix de revient erroné, prix de vente insuffisant, etc.).

La clé est de toujours savoir comment sa situation financière évolue. Un tableau de bord avec plusieurs indicateurs de performance est nécessaire.

«La clé est de toujours savoir comment sa situation financière évolue, explique Caroline Comiré. Un tableau de bord avec plusieurs indicateurs de performance est nécessaire. Parmi les entreprises en difficulté, même avec un chiffre d’affaires de 100 ou 150 millions de dollars, très peu possèdent un tableau de bord performant.»

9. Problèmes liés à l’environnement externe

Plusieurs éléments de l’environnement externe peuvent constituer des risques, comme un secteur hautement réglementé, l’éloignement des marchés et une concurrence féroce. Il ne faut pas négliger non plus les risques de poursuite judiciaire ou encore, de couverture médiatique négative.

«Et bien sûr, il y a le risque d’éclatement d’une pandémie!», s’exclame Karina Amram.

Comment éviter les problèmes liés à l’environnement externe?

Compléter une analyse de votre environnement externe dans un processus de planification stratégique vous permettra de déceler les dernières tendances, d’analyser votre environnement concurrentiel et d’établir des stratégies pour répondre à de potentielles menaces qui vous guettent.

Il est également important de garder un œil sur les technologies radicales qui pourrait perturber votre industrie.

10. Optimisme injustifié

Il peut aussi y avoir chez les propriétaires d'entreprise une forme d’optimisme injustifié alors que les faits sont inquiétants. «La direction affirme par exemple que les difficultés sont déjà traversées ou qu'elles le seront assurément encore cette fois, illustre Caroline Comiré. Mais, les temps ont changé, la banque n’est pas la même et les choses peuvent dégénérer.»

Comment éviter un optimiste injustifié?

La direction de l'entreprise doit faire preuve d'une vigilance constante et être prête à intervenir. Surtout qu’agir rapidement lorsque qu’une entreprise est en difficulté peut faire la différence entre la faillite et une restructuration réussie. Pour vous redresser d’une situation précaire, vous devez rapidement vous attaquer aux problèmes rencontrés et communiquer de façon transparente avec vos partenaires en finance.

«Tous les chefs et cheffes d'entreprise rencontrent des difficultés financières à un moment donné dans leur carrière et c’est normal, affirme Caroline Comiré. Cette expérience leur aura permis de développer des aptitudes et une résilience qui affûtent leurs compétences de gestionnaires par la suite.»

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