L’importance de l’accessibilité en entreprise: Entretien avec Kim Auclair
Dans le cadre de la Journée internationale des personnes avec handicap, j’ai eu l'occasion de m’entretenir avec Kim Auclair, Présidente de Communications Nitivi. Kim est une entrepreneure née avec une surdité sévère à profonde. Nous avons parlé de la définition du mot handicap et de comment améliorer l'accessibilité en entreprise.
La Journée internationale des personnes handicapées célébrée le 3 décembre de chaque année a été instaurée en 1992 par les Nations Unies. Cette journée vise à promouvoir la compréhension des enjeux liés aux handicaps et à soutenir la dignité, les droits et le bien-être des personnes handicapées. Elle cherche également à sensibiliser le public aux avantages d'intégrer les personnes handicapées dans tous les aspects de la vie politique, sociale, économique et culturelle.
Un handicap ne définit pas une personne, il la complète
Joanne: Kim, pour moi, un handicap est une limitation physique, développementale ou intellectuelle qui peut être visible ou invisible. Le handicap reflète la diversité humaine. C’est neutre. Ni bon, ni mauvais. Ni négatif, ni honteux. C’est tout simplement là. Point à la ligne. Tout euphémisme, comme «besoins spéciaux» ou «différemment capable», renforce l'idée que le handicap est négatif.
Considérez l'analogie de porter des lunettes: Vous n’hésiteriez pas à porter vos lunettes pour bien voir. De même, les mesures d’adaptation sont essentielles pour créer une société inclusive où chacune et chacun ont des chances égales de participer et de prospérer. Ces adaptations ne devraient pas soulever des questions ou susciter la surprise. C'est juste une réalité.
Kim: Cette définition me parle beaucoup. J'ajouterais que le handicap ne devrait jamais être vu comme un obstacle à la créativité ou à l'entrepreneuriat. Au lieu de se concentrer sur les défis, les entreprises devraient voir le potentiel créatif et la capacité d'adaptation que possèdent les personnes en situation de handicap. Cela ouvre la voie à l’innovation.
Joanne: Je suis tout à fait d’accord. D’ailleurs, dans un environnement de travail typique, un nombre important d’employées et d’employés peuvent avoir des handicaps invisibles qu’ils préfèrent ne pas divulguer. Au Canada, plus d’un quart de la population de 15 ans et plus a un handicap. Plusieurs employées et employés gardent ce statut secret. Aux États-Unis, une enquête nationale auprès des employées et des employés de bureau a révélé que, bien que 30 % de la main-d'œuvre ait des handicaps, seulement 3,2 % divulguent leur statut de handicap à leurs employeurs (publication en anglais seulement).
Kim: C’est une statistique intéressante. Mais pourquoi une personne choisirait-elle de ne pas divulguer son handicap? Est-ce pour se protéger, ou par crainte d’être jugée selon son handicap plutôt que selon ses compétences? Ou même, de passer pour moins performante?
Joanne: Oui, c'est exact. Certaines entreprises voient le handicap comme un fardeau en raison des aménagements nécessaires. Elles ne savent pas comment réagir. Cela se reflète, même inconsciemment, dans le processus de recrutement.
Kim: Que peut faire une entreprise pour encourager ses employées et employés à déclarer leur handicap?
Joanne: La clé, c’est la sensibilisation. Le personnel doit être conscient des différents types de handicaps et de l’importance des adaptations nécessaires. En valorisant les besoins et les forces uniques de chacune et chacun, l’entreprise favorise une culture où tous les employées et employés, sans égard à la capacité ou au handicap, ont des chances égales de contribuer et de réussir.
Une organisation sensibilisée crée un environnement inclusif. Ceci améliore non seulement le recrutement et l’embauche, mais aussi la fidélisation des talents. En démontrant son ouverture et sa capacité à s’adapter, l’organisation renforce son image d’inclusivité, un message qui transparaît dans ses publicités, ses communications sur les réseaux sociaux et ses processus d'embauche. Cette approche inspire la confiance. Elle incite le personnel et les gens qui veulent postuler à parler librement de leurs différences, sans crainte ni tabou.
Photo de Kim Auclair, Présidente de Communications Nitivi
L'accessibilité au cœur des préoccupations
Kim: Pourquoi devrions-nous nous soucier de l'accessibilité?
Joanne: Au Canada, 24 % des adultes en âge de travailler ont un handicap. C’est le seul groupe minoritaire dont nous pouvons faire partie à tout moment. Certaines et certains en font partie dès la naissance, d’autres à la suite d’un accident, à une maladie ou au vieillissement. Si vous devenez handicapé, comment voudriez-vous être traité? Ne voudriez-vous pas participer de façon équitable à tous les domaines de la vie?
Lorsque nous donnons la priorité à l’accessibilité, nous créons un environnement inclusif où chacune et chacun peut s’épanouir, menant à une organisation plus dynamique et plus performante.
Les entreprises où on met délibérément en place des mesures d’adaptation ont tendance à avoir une culture et des méthodes de travail qui sont bénéfiques pour l’ensemble du personnel, et pas seulement pour les personnes handicapées.
Kim: C’est vrai. Quand on parle d’exemples d’adaptations pour les employées et employés handicapés, plusieurs pratiques me viennent en tête.
Cela va bien au-delà de l’aménagement physique: la communication joue aussi un rôle important. Les communications doivent être accessibles et compréhensibles pour tous. Chacune et chacun a sa propre manière de traiter et de retenir l’information. Demander les préférences de communication de chacune et chacun est une approche gagnante. Cela peut être aussi simple que de poser la question: «De quoi avez-vous besoin pour être à l’aise?».
Considérez, par exemple, quelqu’un qui préfère le télétravail parce qu’il dispose déjà de tout l’équipement nécessaire à la maison. C’est avantageux pour l’entreprise, qui n’aura pas à investir dans des adaptations supplémentaires.
Joanne: Tu as raison, Kim. J’ajouterais aussi à l’équation les personnes qui ont des proches vivant avec un handicap. En tant que mère d’un enfant atteint du syndrome de Williams, j’apprécie la flexibilité que BDC m’offre pour assister aux rendez-vous médicaux et aux séances de thérapie. Cette flexibilité est essentielle. Non seulement je suis plus engagée et productive, mais je suis aussi plus heureuse.
Kim: Quels sont les obstacles à l'accessibilité et comment les surmonter?
Joanne: Les obstacles à l'accessibilité en milieu de travail incluent des barrières physiques, technologiques, sociales et culturelles, ainsi que des mauvaises expériences de recrutement. Pour les surmonter, il est crucial que les entreprises offrent le choix parmi différentes accommodations et ressources. Celles-ci comprennent l’ajustement des espaces de travail, l’investissement dans des technologies accessibles, et la promotion d’une culture d’inclusion par la sensibilisation et la formation.
De plus, offrir de la flexibilité, des options de télétravail et des ajustements d'horaires sont des mesures importantes et appréciées.
Un dialogue ouvert avec les employées et employés permet de mieux comprendre leurs besoins spécifiques et d’adapter les pratiques, favorisant ainsi un environnement de travail véritablement inclusif.
Comment améliorer le processus d’embauche des personnes en situation de handicap
Joanne: Il est essentiel de donner la priorité aux talents pour répondre aux besoins de la main-d'œuvre. Quelles stratégies recommandez-vous pour améliorer le processus d'embauche des personnes handicapées qualifiées?
Kim: Une stratégie efficace consiste à mettre en lumière différents types de handicaps et à valoriser les employées et employés déjà en poste. Cela envoie un signal fort aux candidates potentielles et aux candidats potentiels: leur future entreprise comprend et respecte leur réalité. Cette valorisation peut se manifester de plusieurs façons. Les entreprises peuvent offrir une tribune aux employées et employés en situation de handicap lors d’événements internes pour partager leur expérience, ou mettre en avant leurs réussites sur les médias sociaux, soulignant leur contribution à l’entreprise.
Joanne: Quels sont vos conseils pour un recrutement plus inclusif et une intégration réussie avec personnes avec handicap?
Kim: Pour moi, tout commence par la communication. Le choix des mots dans les offres d’emploi est crucial. Personnellement, je privilégie un langage simple. Quand on me parle ou qu’on m’écrit, j’ai toujours préféré que l’on évite les termes trop complexes, car je trouve que cela rend le message moins accessible et moins attrayant.
Il est aussi important que l’entreprise manifeste clairement son ouverture à travailler avec des personnes ayant des différences ou des besoins spécifiques. Proposer des formulaires accessibles, permettant aux candidates et candidats de spécifier leurs besoins d’adaptation dès le processus de sélection, est également une excellente pratique.
Enfin, il est essentiel de former les recruteuses et recruteurs pour qu’ils soient mieux préparés et plus conscients des enjeux.
Et bien sûr, je recommande aux entreprises de s’associer avec des partenaires spécialisés dans l’accompagnement des candidats en situation de handicap – cela peut vraiment faire la différence.
Pour aller plus loin
Joanne: Kim, cet échange a été très enrichissant. Pour terminer, quels guides ou ressources recommandez-vous aux entreprises qui désirent en savoir plus sur l’intégration des personnes ayant un handicap?
Kim: En tant que personne sourde qui entend grâce à un implant cochléaire, je recommande de consulter le Guide pratique Recruter et inclure une personne sourde ou malentendante dans l’équipe qui contient une foule d’informations et de conseils utiles.
Pour voir différents modèles de personnes en situation de handicap, je recommande aussi d’écouter le balado Capable, entreprendre sans limites que j’anime et finalement, si vous désirez aller plus loin dans votre processus de recrutement, un bon départ est de consulter la page Embaucher des personnes en situation de handicap du gouvernement du Canada qui contient beaucoup d’informations utiles.