Tarifs douaniers: Quelle incidence sur les fusions et acquisitions?
Dans le cadre des discussions entourant une fusion ou une acquisition, il y a toujours un écart entre ce que la partie vendeuse espère avoir pour l’entreprise et ce que la partie acheteuse est prête à offrir. Or, les tensions commerciales entre le Canada et les États-Unis, et toutes les annonces de droits de douane qui s’en sont suivis compliquent les transactions de fusions et acquisitions.
C’est malheureux, parce qu’une acquisition est un des meilleurs moyens de faire grandir une entreprise et de la rendre plus concurrentielle.
Compte tenu de l’instabilité actuelle du marché que les entreprises doivent surmonter, les acheteuses et acheteurs ont beaucoup plus de facteurs à considérer pour se prémunir contre les risques futurs, tandis que les vendeuses et vendeurs ont plus de travail à faire pour protéger leurs activités.
Par conséquent, on s’attend à des retards, une plus grande prudence, un accent accrut sur la détermination des risques et une préférence pour les transactions nationales.
En même temps, des propriétaires d’entreprises nous disent être disposés à acheter, voyant dans les perturbations actuelles du marché des occasions. Ce sont des propriétaires de moyennes entreprises, un peu plus grandes et plus matures, et faiblement endettées.
Cependant, nous voyons également des occasions pour les entreprises plus jeunes et plus petites dont le bilan n’est pas aussi fort que les entreprises que nous venons de mentionner, mais qui pourraient bénéficier de la croissance rapide que permet une acquisition. Dans un contexte où, selon notre équipe d’économistes, 24 % des entreprises sont à vendre, les entrepreneures et entrepreneurs qui recherchent la croissance pourraient avoir recours à l’endettement de façon stratégique pour profiter d’une dynamique de marché que nous pourrions ne pas revoir de sitôt.
Dans ce contexte, que peuvent faire les acheteuses et acheteurs ainsi que les vendeuses et vendeurs pour tirer parti de ces occasions tout en protégeant leur entreprise?
Dans ce contexte d’incertitude, il est difficile pour n’importe quelle entreprise de prévoir comment sa capacité de vendre ses produits à son marché habituel va évoluer au cours des quatre prochaines années.
Robert Shaw
Directeur principal, Capital de croissance et transfert d’entreprise – BDC
En raison de l’imprévisibilité des échanges commerciaux et de la politique économique, il est difficile pour n’importe quelle entreprise de prévoir comment sa capacité de vendre ses produits à son marché habituel va évoluer au cours des quatre prochaines années. Cela complique l’analyse pour les acheteuses et acheteurs potentiels.
Les droits de douane touchent les entreprises de deux manières qui pèsent sur le marché des fusions et acquisitions:
- Exposition directe
Si vous fabriquez un produit et vous l’expédiez de l’autre côté de la frontière, le produit pourrait être assujetti à un droit de douane. Vous pourriez perdre des clientes et clients à cause du prix plus élevé. Le même phénomène s’applique aux entreprises qui importent des intrants. - Exposition indirecte
On parle ici de l’impact économique général des tensions commerciales actuelles. Toutes les entreprises canadiennes en subiront les conséquences, qu’elles exportent ou non.
On constate que l’incertitude entourant les échanges commerciaux retarde déjà certaines acquisitions, ou les fait carrément tomber, parce que les acheteuses et acheteurs prudents se retirent, surtout lorsque la majorité des ventes d’une entreprise sont destinées aux États-Unis.
Cela étant dit, deux facteurs pourraient avoir un effet positif sur les entreprises canadiennes dès maintenant.
D’abord, la décision récente de la Banque du Canada d’abaisser les taux d’intérêt de 25 points de pourcentage (et les attentes d’autres baisses au cours des prochains mois). Cela peut donner un coup de pouce au marché des fusions et acquisitions en faisant baisser le coût du capital au Canada.
Deuxièmement, les fluctuations de la valeur du dollar canadien. Un dollar faible aide les entreprises qui règlent leurs dépenses – par exemple, le loyer, la paie et les fournitures – en dollars canadiens, mais dont les revenus sont en dollars américains.
Attendez-vous à beaucoup plus de discussions sur la façon de structurer une transaction.
Robert Shaw
Directeur principal, Capital de croissance et transfert d’entreprise – BDC
Que se passe-t-il si une portion importante des ventes de votre entreprise sont destinées aux États-Unis?
Si vous voulez vendre votre entreprise et que la majorité de votre clientèle est américaine, vous ferez face à certains vents contraires, mais il y a tout de même certaines choses que vous pouvez faire:
- Analysez l’impact que pourrait avoir l’incertitude entourant les échanges commerciaux sur votre état des résultats et votre bilan, et évaluez votre capacité de rembourser vos dettes. De cette façon, vous serez mieux en mesure de répondre aux questions et inquiétudes d’une acheteuse ou d’un acheteur.
- Prouvez la stabilité de votre entreprise face aux droits de douane en montrant les contrats à long terme, en faisant valoir la diversité de votre clientèle et en présentant vos plans d’urgence en cas de perturbations de la chaîne d’approvisionnement.
- Évaluez l’impact potentiel de la renégociation d’accords commerciaux tels que l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) sur votre entreprise.
- Commencez à diversifier vos marchés tant sur le plan de la clientèle que sur le plan géographique. Jusqu’à récemment, les États-Unis étaient un excellent partenaire commercial et un gros marché. Mais tout a été bouleversé. Il faut donc commencer à s’adapter.
- Explorez la possibilité de vendre vos produits dans d’autres provinces. L’élimination des barrières commerciales entre les provinces constitue une énorme occasion qui pourrait faire grossir l’économie canadienne de 200 milliards de dollars.
- Continuez de développer votre entreprise pour le long terme, quels que soient les enjeux économiques et géopolitiques changeants. Cela vous aidera à faire face à la tempête et vous mettra en bonne position pour mener des négociations potentielles.
Si vous devez vendre votre entreprise maintenant, reconnaissez que vous n’aurez peut-être pas le prix que vous aviez en tête. De plus, attendez-vous à beaucoup plus de discussions sur la façon de structurer une transaction. Vous devrez peut-être faire preuve de patience.
Attendez-vous très certainement à ce qu’on vous demande un billet du vendeur ou une clause d’indexation sur les bénéfices futurs, car les acheteuses et acheteurs potentiels chercheront à se protéger contre des chocs géoéconomiques imprévisibles.
2 instruments financiers qu’une acheteuse ou un acheteur peut proposer pour réduire les risques
- Un billet du vendeur (aussi appelé financement par le vendeur) est un prêt que la vendeuse ou le vendeur accorde à l’acheteuse ou l’acheteur pour financer une partie de la transaction.
- Une clause d’indexation sur les bénéfices futurs est un arrangement dans lequel une partie du prix d’achat est payable seulement après la clôture de la transaction, et si et quand certaines conditions sont respectées. Ces conditions ont habituellement trait à la performance financière de l’entreprise, par exemple l’atteinte d’un certain niveau de profits ou de ventes. Cette clause est une façon pour la vendeuse ou le vendeur d’obtenir la valeur souhaitée, tandis que l’acheteuse ou l’acheteur atténue le risque que l’entreprise ne connaisse pas la performance attendue après la transaction.
Comment protéger son acquisition de l’incertitude entourant les droits de douane?
Si vous cherchez à réaliser une acquisition dans ce marché, vous pouvez viser un billet du vendeur de montant plus important ou une clause d’indexation sur les bénéfices futurs de l’entreprise. De plus:
- faites des recherches rigoureuses pour évaluer l’impact potentiel des droits de douane sur l’entreprise;
- évaluez la stabilité des revenus de l’entreprise en vertu de divers scénarios d’échanges commerciaux et effectuez une simulation de crise pour voir quel serait l’effet de nouveaux droits de douane ou de perturbations de la chaîne d’approvisionnement sur la performance financière de l’entreprise;
- faites des projections et établissez les scénarios les plus défavorables.
De plus, considérez le fait que, même si les importateurs américains paient les tarifs douaniers imposés par le Canada en représailles – ce qui signifie que les coûts de l’entreprise canadienne n’augmenteront pas –, les ventes pourraient tout de même connaître une baisse si les acheteuses et acheteurs américains se retirent.
Certaines entreprises acheteuses pourraient tirer profit du financement mezzanine, un type de prêt commercial «patient» qui propose des modalités de remboursement adaptées aux mouvements de trésorerie de l’entreprise. Le financement mezzanine vient après le financement accordé par les prêteurs de premier rang (comme les banques à charte) et les versements sont reportés jusqu’à ce que la créance prioritaire ait été remboursée. Dans certains cas, le financement peut comporter une portion de financement par actions, ce qui donne à l’entreprise une certaine marge de manœuvre pour faire face à une tempête.
La guerre commerciale entre le Canada et les États-Unis constitue un revirement encore jamais vu dans les relations et le commerce entre les deux pays, et il n’y a aucune boule de cristal dans les entreprises. Il y aura encore des transactions, mais une plus grande prudence aujourd’hui portera ses fruits demain.
Prochaine étape
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