Leadership climatique Article | Lecture de 11 minutes

Loi C-59: Comment éviter l’écoblanchiment dans votre entreprise?

Découvrez comment votre entreprise peut faire des déclarations environnementales sans faire d’écoblanchiment
Industrial plant, paper mill, with smoking chimneys viewed directly from above.

Avec l’adoption du projet de loi fédéral C-59, de nouvelles dispositions qui visent l’écoblanchiment ont été ajoutées à la Loi sur la concurrence. Désormais, les entreprises qui font des déclarations environnementales doivent prouver qu’elles ont été testées et qu’elles sont vérifiables.

Valérie Vedrines, présidente de Groupe Ecomarque, une agence de conseils en marketing durable et présidente fondatrice de Masse Critique, un organisme à but non lucratif qui offre des solutions à l’industrie de la communication, de la publicité et du marketing du Québec pour adopter des pratiques durables et responsables, explique concrètement ce qu’est l’écoblanchiment et ce que l’adoption de la loi C-59 vient changer pour votre entreprise.

Qu’est-ce que l’écoblanchiment?

L’écoblanchiment, c’est lorsqu’une entreprise véhicule des informations fausses, trompeuses ou non étayées à propos d’un produit ou d’un service pour donner l’impression qu’il est plus écoresponsable qu’il ne l’est réellement.

«Il n’y a pas un produit ou un service qui n’a pas d’impact sur l’environnement, affirme Valérie Vedrines. Il faut penser au processus de fabrication, aux ressources utilisées, aux déplacements. L’écoblanchiment signifie que la promesse mise de l’avant dans la stratégie de communication de l’entreprise n’est pas alignée avec la réalité.»

L’un des cas célèbres d’écoblanchiment au Canada est Keurig qui indiquait que ses capsules de café à usage unique étaient recyclables. Or, à l’extérieur du Québec et de la Colombie-Britannique, elles n’étaient pas largement acceptées par les programmes

municipaux de recyclage. L’entreprise s’est entendue en 2022 avec le Bureau de la concurrence et a dû payer une sanction de 3 millions de dollars.

L’écoblanchiment signifie que la promesse mise de l’avant dans la stratégie de communication de l’entreprise n’est pas alignée avec la réalité.

Les dangers de l’écoblanchiment pour votre marque

L’écoblanchiment, que vous en faites ou pas, a des conséquences pour votre entreprise.

1. Il mine la confiance envers les marques

«Lorsque les consommatrices et les consommateurs identifient des pratiques d’écoblanchiment, leur confiance envers les marques concernées s’érode», affirme Valérie Vedrines.

De plus, l’écoblanchiment vient créer de la confusion et cela affecte aussi les marques qui n’en font pas. D’après un rapport de Deloitte publié en 2023, 57 % des consommatrices et des consommateurs canadiens ne croient pas la plupart des revendications de produits écologiques que font les entreprises par rapport à leurs marques.

2. Il compromet l’autonomie décisionnelle des consommatrices et consommateurs

Comme les gens n’arrivent plus à différencier le vrai du faux, ils ont de la difficulté à prendre des décisions éclairées en matière de durabilité lorsque vient le temps d’acheter des produits et services.

D’ailleurs, d’après la même étude de Deloitte, 46 % ne souhaitent pas payer davantage pour un produit durable sous prétexte qu’il est difficile de savoir s’il l’est réellement.

3. Il diminue la crédibilité des actions environnementales réelles

Comme l’écoblanchiment a fait en sorte que les gens ne croient plus aux allégations environnementales, cela nuit aux entreprises qui réussissent vraiment à mettre sur le marché des produits et services plus écologiques.

«De plus, certaines entreprises ne veulent plus prendre le risque de faire des allégations environnementales de peur de ne pas dire les bonnes choses et d’être accusées d’écoblanchiment, affirme Valérie Vedrines. C’est donc difficile de créer un effet d’entraînement.»

Est-ce que l’écoblanchiment est illégal?

Oui, c’est illégal. Pour promouvoir une économie durable et renforcer la transparence des pratiques commerciales, d’importantes modifications à la Loi sur la concurrence ont été apportées le 20 juin 2024 alors que le projet de loi C-59 a reçu la sanction royale. Avant, l’écoblanchiment n’était pas explicitement identifié dans la législation. Maintenant, il l’est.

«Avec l’adoption de ce projet de loi, le Canada veut réduire la diffusion d’informations trompeuses ou exagérées sur la durabilité environnementale des produits et des services, explique Valérie Vedrines. Les entreprises doivent dorénavant agir de façon responsable en matière de communication environnementale et respecter des normes d’éthique.»

Quelles sont les nouvelles exigences de conformité pour les entreprises en matière d’allégations environnementales?

Les nouvelles dispositions législatives apportent des changements importants pour les entreprises, quelle que soit leur taille. Il y a eu un renversement du fardeau de la preuve. Si avant, les autorités devaient prouver qu’une entreprise avait violé la Loi sur la concurrence avec ses allégations environnementales, c’est maintenant l’entreprise qui doit prouver d’emblée chaque allégation environnementale.

«Avant, tant qu’elle ne contredisait pas de manière flagrante une loi en vigueur, comme la Loi sur la concurrence, une marque pouvait déclarer quelque chose par rapport à la valeur environnementale de son produit sans avoir à le prouver, illustre Valérie Vedrines. Certaines déclarations ambiguës ou légèrement exagérées étaient tolérées. Maintenant, les entreprises doivent soumettre des preuves, comme une étude ou une certification reconnue, pour chaque allégation environnementale.»

Prenons l’exemple d’une entreprise qui a un nouvel emballage qui réduit de 30 % l’empreinte carbone du produit. Elle ne pourra pas dire qu’elle est maintenant écoresponsable, ou qu’elle a réduit de 30 % ses émissions de gaz à effet de serre. «C’est trop flou, affirme l’experte. L’entreprise doit maintenant préciser quelle partie de son produit est concernée. Donc ici, expliquer que son nouvel emballage réduit de 30 % les émissions de gaz à effet de serre du produit et présenter une étude d’analyse du cycle de vie pour le prouver.»

Les risques de non-conformité en matière d’allégations environnementales

Les entreprises qui ne respectent pas les nouvelles règles concernant l’écoblanchiment s’exposent à des risques financiers. Il y a ceux liés à la réputation puis à la perte de contrats et de partenaires bien sûr, mais aussi, ceux des pénalités imposées.

«Avant, les amendes et les sanctions pour des pratiques trompeuses liées à l’environnement étaient relativement faibles et peu appliquées, affirme Valérie Vedrines. Désormais, les amendes sont proportionnelles au chiffre d’affaires des entreprises et peuvent aller jusqu’à 3 % des revenus mondiaux.»

De plus, il y a des risques juridiques pour les entreprises qui ne se conforment pas aux nouvelles dispositions.

«À partir du 20 juin 2025, les parties privées comme des particuliers, des groupes environnementaux et des entreprises concurrentes pourront porter plainte directement au Tribunal de la concurrence envers une entreprise suspectée de faire de l’écoblanchiment sans avoir à prouver qu’ils ont subi un préjudice direct, indique l’experte. C’est vraiment quelque chose qui vient changer la donne.»

Comment assurer que votre entreprise évite l’écoblanchiment?

1. Appuyez-vous sur une équipe de marketing formée

Les nouvelles dispositions de la loi impliquent des changements majeurs dans la façon de travailler des personnes en marketing. La première étape est donc de bien les former ou, si elles sont à l’externe, de vous assurer qu’elles ont été bien formées afin qu’elles aient les connaissances nécessaires pour adapter leur travail en conséquence.

2. Basez vos affirmations environnementales sur des preuves tangibles

Lorsque vous pensez mettre de l’avant dans votre stratégie de marketing un élément écoresponsable d’un de vos produits ou services, pensez tout de suite à comment vous le prouverez. Chaque affirmation doit être appuyée par des études rigoureuses ou par des certifications reconnues.

Pour faciliter le processus, vous aurez avantage à développer un système de gestion documentaire pour avoir accès facilement aux différentes preuves associées aux allégations environnementales.

«C’est vraiment important que tout soit cohérent, spécifique et mesurable, affirme Valérie Vedrines. Évitez les termes vagues comme vert ou durable. Donnez plutôt une information précise et vérifiable sur un élément du produit qui touche à sa durabilité.»

3. Mettez en place des processus de vérifications

Pour vous assurer que toutes vos allégations environnementales dans vos messages publicitaires et dans l’étiquetage de vos produits sont appuyées par des preuves, pensez à mettre en place un processus de vérification interne.

L’idéal est aussi de faire affaire avec une tierce partie indépendante pour valider vos démarches. «C’est important de faire appel à des gens dont c’est le métier pour vous donner un regard extérieur sur vos pratiques», évalue Valérie Vedrines.

Plus vous montrerez de la transparence, plus vous pourrez bâtir la confiance avec les consommatrices et les consommateurs.

4. Communiquez de façon transparente

Si vous devez prouver ce que vous alléguez, cela ne signifie pas que vous devez attendre que tout soit parfait avant de partager des informations environnementales avec les consommateurs et les consommatrices.

«Au contraire, affirme Valérie Vedrines. Il est important d’expliquer les limites de vos efforts. Par exemple, si une partie de votre produit n’est pas durable, mentionnez-le clairement afin d’éviter d’induire les gens en erreur. Puis expliquez pourquoi et dites ce que vous avez fait pour changer la situation sans toutefois avoir eu de succès. Plus vous montrerez de la transparence, plus vous pourrez bâtir la confiance avec les consommatrices et les consommateurs.»

Il peut être intéressant aussi de permettre aux consommateurs et aux consommatrices de poser des questions sur votre site Web.

«Bien sûr, vous devrez alors vous assurer d’y répondre de façon transparente, affirme l’experte. C’est une façon de renforcer la confiance des gens et de montrer que votre engagement est authentique.»

Ainsi, avec les nouvelles dispositions qui visent l’écoblanchiment dans la Loi sur la concurrence, toute entreprise doit prouver de façon tangible ses déclarations environnementales. Mais, l’objectif n’est pas de faire peur aux entreprises, mais de les aider à ramener un climat de confiance avec les consommatrices et les consommateurs par rapport à l’écoresponsabilité.

Il est donc temps de vous assurer que vos équipes comprennent bien les nouvelles dispositions de la loi et qu’elles puissent ajuster en conséquence les allégations environnementales de votre entreprise. Ainsi, vous vous éviterez les risques de non-conformité, vous augmenterez la crédibilité de vos efforts en matière de durabilité et par le fait même, la confiance des gens envers votre marque.

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